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Adaptation, appropriation, aide pédagogique

Cette intervention s’inscrit dans la dénonciation d’un contresens très répandu sur le terme d’adaptation, contresens qui voudrait comprendre l’adaptation des programmes, en formation professionnelle « adaptée », comme une réduction des objectifs de la formation. Si l’on réduit, on coupe, on fait autre chose, on n’adapte pas une formation donnée à des publics en difficulté. Pour marquer la spécificité de l’adaptation en S.E.S et E.R.E.A., et pour m’inscrire en faux face à ce contresens, je voudrais justement essayer de déterminer quelle peut être la spécificité de l’adaptation en S.E.S. et en E.R.E.A grâce à l’utilisation pédagogique quotidienne des référentiels de niveau V.

L’utilisation pédagogique des référentiels.

« Utilisation pédagogique quotidienne des référentiels de niveau V » dis-je, pour souligner d’emblée que cette utilisation dépasse largement le cadre de l’évaluation, pour lequel les référentiels ont été conçus à l’origine. Il s’agirait de voir une possibilité d’utilisation des référentiels à chaque mise en place ponctuelle d’une activité pédagogique. Cette possibilité d’utilisation pédagogique quotidienne de référentiels nous est offerte par l’enchaînement capacité / compétences / performances, en reprenant l’importation de ce terme anglais pour désigner une activité élève effective. Une capacité recouvrant plusieurs compétences, et une compétence couvrant un champ indéfini de performances, d’activités précises et singulières que l’on donne à l’élève, ce jour-ci à cette heure-là. Ce champ de performances est heureusement indéfini, puisque c’est une part de liberté, d’autonomie de l’enseignant, et c’est au moment où le pédagogue effectue le choix de l’activité qu’il pourrait alors utiliser de manière quotidienne les référentiels en mettant en perspective l’activité choisie sur cette concaténation, sur cet enchaînement de performances / compétences / capacité, en partant alors de l’activité élève. Qu’est-ce que cela veut dire ?

De manière très simple, cela recoupe ce qui a souvent été répété – mais ce n’est pas parce qu’une chose est répétée qu’elle est utilisée – c’est-à-dire qu’en fin de compte, ce qui est visé par la mise en place par d’une activité élève, ce ne devrait pas être que l’élève réussisse l’activité, ce devrait être que l’activité en question, que la performance, soit le support de l’acquisition d’une compétence. C’est très simple à dire mais beaucoup plus délicat à mettre en pratique. Prenons une compétence du référentiel de français, « Sélectionner l’information selon un seul critère » : une chose est de retrouver la rubrique sportive dans le journal local, autre chose est de sélectionner l’information selon un seul critère. On peut très bien retrouver cette rubrique sportive sans jamais avoir, d’une manière ou d’une autre, sélectionné l’information. Donc la question serait : comment aménager des activités classiques du type « retrouver la rubrique sportive dans le journal local », pour que, en faisant cela, le véritable objectif pédagogique, « Sélectionner l’information selon un seul critère », soit effectivement, sinon acquis, du moins travaillé par l’élève ? La réponse est assez simple. Elle consisterait à viser d’emblée, dans l’activité élève, la procédure générale, en l’occurrence la procédure générale que l’on doit suivre pour sélectionner l’information selon un seul critère. Et peu importe dans ce cas là si l’élève retrouve ou non la rubrique sportive dans le journal local, puisque l’essentiel est d’acquérir quelque chose de cette procédure générale attachée à la compétence visée.

Ici la psychologie commence à poindre, mais si mes conclusions ressemblent fort à celles de Mme Sorel, références et problématiques sont bien distinctes, puisque je me servirai de Piaget. Certes du Piaget très tardif des années 70, qui contrairement à ce qu’il avait fait auparavant, travaille sur l’évolution, sur la dynamique du développement intellectuel. Je me réfèrerai donc à l’Équilibration des structures cognitives, aux Recherches sur la généralisation, à L’abstraction réfléchissante, un peu moins à la Prise de conscience et Réussir et comprendre, qui sont tous des ouvrages du dernier Piaget. Viser d’emblée la procédure générale, faire d’emblée travailler l’élève au niveau de la généralité d’une compétence, cela consiste en fin de compte à essayer, par une activité support, de le faire travailler d’emblée au niveau de la forme de cette activité. En quoi rechercher la rubrique sportive dans le journal local va-t-elle permettre de travailler la compétence « Sélectionner l’information selon un seul critère » ? Il va falloir donner une certaine forme à l’activité élève, pour que cette forme recoupe, recouvre, introduise à la procédure générale enveloppée par la compétence que l’on veut travailler. Or, viser d’emblée la forme d’une activité et prendre en compte cette forme, c’est justement ce qui, chez le dernier Piaget, va permettre de progresser dans cette activité. La progression des fonctionnements intellectuels y est présentée en décomposant toute activité intellectuelle en forme d’une part, et en matière ou contenu d’autre part. Ce qui à un niveau de départ, mettons niveau « n » ou niveau 1, constitue l’activité, a une certaine forme – un certain temps, un certain rythme, certaines phases, certaines étapes, etc. – et passer de ce niveau 1 ou « n » au niveau « n+1 » va consister à prendre, au niveau « n+1 », la forme de l’activité du niveau « n » comme contenu de l’activité du niveau « n+1 ». Par exemple dans le jeu de billard, « lorsque dans des expériences sur le choc d’une boule contre le côté d’une autre (et non pas de plein fouet), le sujet commence à comprendre pourquoi le mouvement de la boule passive ne saurait prolonger en sa direction celui de l’active, il observe mieux les directions ainsi que la situation exacte des points d’impacts, etc. »[1]. Niveau « n » : je lance la boule de billard, active, contre l’autre, passive : je pense qu’elle vont toutes deux partir dans la même direction. Je constate qu’en fait elles ne partent pas dans la même direction. Mon activité a un contenu – ces boules roulent. Et ce qui en résulte a une certaine forme, c’est-à-dire : quand la boule active frappe la boule passive sur le côté, la boule passive part de l’autre côté. Pour ceux qui jouent au billard, ça sera très simple. Quand on commence à comprendre cela, alors au niveau « n+1 », action suivante, on intègre cette forme générale dans son activité. Je vais alors chercher à envoyer, p.ex. la boule active à la moitié droite de la boule passive, et je pourrai alors observer que plus j’envoie la boule active vers la droite, plus la boule passive part vers la gauche. Ce qui est déjà beaucoup plus précis que le simple fait de savoir que quand je tape sur un côté, ça part de l’autre. Il y a progrès dans le jeu de billard parce qu’on a intégré la forme du niveau « n » dans l’activité du niveau « n+1 ». Cela est très important et rend raison de ce que Piaget appelle « un schéma très général et apparemment paradoxal selon lequel tout système cognitif s’appuie sur le suivant pour en tirer un guidage et l’achèvement de sa régulation »[2]. Le « système suivant » : c’est-à-dire, dans notre exemple, le moment à partir duquel je prends conscience que si la boule active frappe la boule passive d’un côté, celle-ci partira de l’autre. A partir du moment où j’intègre, dans mon activité, la forme de cette activité, je suis à même, à partir du moment où je dégage une règle, une forme générale, une procédure, de régler, d’affiner, d’affûter cette activité. Ici, la difficulté réside en ce que la forme de l’activité n’est pas d’emblée visible dans l’activité. La forme de l’activité n’est pas l’activité. Le plan d’une intervention n’est pas l’intervention. Pourtant le plan de l’intervention peut tout à fait guider un orateur qui n’a pas écrit son texte. Je me sers du plan, de la forme de l’intervention, pour me guider dans l’activité d’intervenant. Il y a donc là une régulation, fondée sur la mise en rapport d’une activité et de sa forme, ou, dans un langage plus technique, de sa procédure.

Procédures, adaptation et réflexion.

Jusque là, on a bien quelque chose de spécifique aux formations professionnelles, puisque la procédure est englobée par la compétence que le pédagogue chercherait d’emblée à viser, et l’on sait aussi qu’en visant d’emblée la compétence et sa procédure, on vise d’emblée cette forme qui va permettre à l’élève d’exercer une régulation de son activité. Cela pourrait être dit de toutes les formations professionnelles qui fonctionnent avec des référentiels, et n’est pas spécifique aux formations adaptées. De plus, cette conclusion, malgré tous les schémas piagétiens, se borne en fait à retrouver le sens commun, en affirmant qu’on agit mieux quand on réfléchit à ce qu’on fait. C’est exactement la même chose, parce qu’il s’agit bien d’une « ré-flexion », il s’agit bien, à partir d’une activité, de s’arrêter, de se retourner, « re- », et de fléchir, de se pencher dessus, pour en regarder la forme qui va permettre la régulation en faisant progresser l’individu. Il faut toutefois noter que le processus général de progression pour tout développement intellectuel se trouve en quelque sorte offert au pédagogue, s’il utilise de cette manière les référentiels, c’est-à-dire s’il prend en compte cette visée des procédures. Il faut prendre en compte le fait que l’objectif n’est pas autre chose que la compétence.

Puisqu’adapter ne consiste pas à réduire les objectifs, mais à trouver par une variation des conditions et des ressources de l’apprentissage, des moyens d’atteindre ces objectifs, la vraie question devient alors, pour se centrer sur les formations adaptées : comment faire travailler des élèves en difficulté au niveau des procédures générales ? Je me réfèrerai très rapidement à un précédent article[3] qui voulait marquer la spécificité des pédagogies adaptées par rapport aux situations didactiques et à leurs aspects très piagétiens, consistant à mettre l’élève face à des résultats contradictoires avec ce que l’élève s’attendait à produire ou à trouver. Chez Piaget, c’est la rencontre de ces résultats contradictoires qui provoque la restructuration mentale. Or, il faudrait d’abord pour cela que les élèves en grande difficulté scolaire identifient bien que ce en face de quoi le pédagogue les met est radicalement contradictoire avec ce qu’ils attendaient. Autrement dit, il faut qu’ils reconnaissent leur erreur comme telle, ce qui est déjà un travail préalable. Pour effectuer ce travail, j’avais fait appel à une notion initialement piagétienne, la prise de conscience de l’action propre. Pour que l’élève puisse apercevoir son erreur comme telle, il faudrait commencer par travailler au niveau de ce qui permet à l’élève de voir quelque chose dans le réel, c’est-à-dire travailler d’emblée au niveau des concepts, des catégories, des structures mentales de l’élève en difficulté. Et comment accéder aux structures mentales si ce n’est, toujours dans une perspective piagétienne, en travaillant sur l’action propre, sur ce que le sujet fait, et sur ce que le sujet pense qu’il fait. Prenons un exemple extrait de Piaget[4], où il s’agit de faire comprendre qu’un système apparemment immobile est en fait un équilibre de forces, de pressions et de réactions. Cela ne se voit pas. Il faut comprendre que cette table pousse sur la bouteille pour que la bouteille tienne dessus. A cette fin, Piaget effectue un détour par l’action propre et il y a une intervention active de l’expérimentateur, qui joue précisément le rôle de médiateur, au sens du P.E.I., en proposant une expérience de « poussée des mains », où l’expérimentateur pousse la main de l’élève vers le bas et l’élève celle de l’expérimentateur vers le haut. Ce passage par la prise de conscience de l’action propre permet à l’élève de voir, en quelque chose d’immobile, des forces qui s’opposent l’une l’autre. Au niveau des procédures, on pourrait en fait conseiller exactement le même type d’intervention pédagogique. En effet, si à partir d’un détour par la prise de conscience de l’action propre, l’élève peut comprendre qu’alors la table pousse sur la bouteille ou, dans l’expérience piagétienne, la mousse contre le cylindre, c’est parce que cette activité a été déterminée (en l’occurrence par l’expérimentateur piagétien, mais cela pourrait tout aussi bien être un enseignant) de telle manière qu’en faisant cela, l’élève ne pourrait pas ne pas apercevoir qu’il y a là une opposition de forces, et que c’est parce qu’il y a opposition de forces qu’il y a immobilité. Donc, cette activité a une valeur pédagogique parce qu’elle a directement visé une forme – non pas « ma main est plus grosse », « elle fait deux fois la tienne », etc. On vise, par l’activité, immédiatement, la forme, concept, catégorie, grille de lecture du réel, qui va permettre de comprendre qu’il y a équilibre de forces. On se retrouve ici face au même impératif consistant à faire travailler l’élève au niveau des procédures générales. Première remarque concernant ce type d’activité pédagogique : la condition minimale de ce travail sur les procédures impliquerait que toutes les activités élèves soient effectivement structurées conformément à la procédure général enveloppée par la compétence que l’on vise. Et donc, question préalable : quelles sont les procédures enveloppées par les compétences ou capacités que l’on vise ? Quelle est p.ex. la procédure générale mise en œuvre pour « s’informer » ?

Et cela n’est qu’une condition minimale, parce qu’avec des élèves en difficulté scolaire, il va falloir en plus provoquer l’attitude réflexive. Justement parce que la forme d’une activité n’est pas d’emblée visible, il va falloir orienter le regard mental de l’élève vers les procédures. Il ne suffira pas qu’il agisse selon cette procédure, il faut qu’il la voit, qu’il voit ce qu’il vient de faire. On a en quelque sorte donné le matériau permettant d’élaborer la nouvelle grille de lecture du réel, mais il faut encore que ce matériau soit vu comme tel, comme permettant d’apercevoir cette forme, cette procédure générale. Il ne faudrait pas alors en revenir à un exposé magistral de la procédure, même s’il y a un graphique ou un document. Il ne suffit certainement pas non plus de ménager des moments de questionnement : « comment tu as fait ? », surtout avec les problèmes posés par la verbalisation. En ce sens là, le moment où l’on demande à l’élève, p.ex. dans le Gerex-soutien, de formuler la procédure qu’il a employé, est peut être insuffisant. Un élève en grande difficulté n’arrivera peut-être pas plus à dégager la procédure utilisée qu’il n’arrivera d’emblée à comprendre que ceci était un équilibre de forces. il me semble par contre qu’il y a une indication précieuse dans un autre d’aide, le P.E.I. A l’abord du P.E.I., on est un peu étonné par la prolifération de termes techniques, abstraits, arbitraires, et plus encore quand on voit que ces termes techniques, abstraits, arbitraires sont employés face aux élèves en difficulté, surtout quand on attend d’eux qu’ils les réutilisent. Mais en fait, ces termes techniques, abstraits et arbitraires, précisément parce qu’ils sont tels, et qu’a priori ils ne désignent rien pour l’élève, ne vont rien pouvoir désigner d’autre que ce sur quoi on les aura posés. Or, depuis longtemps en philosophie, on a souligné une fonction du mot abstrait, en tant qu’abstrait, qui est justement d’orienter la pensée vers une plus grande généralité. L’emploi de termes techniques, abstraits et arbitraires, quand ils sont adjoints à des activités déjà structurées, oriente le regard de l’élève vers ce qu’il y a de général et de commun à toutes ces activités : leur forme. Ces activités seraient structurées de la même manière puisqu’elles relèveraient de la même compétence. Cela voudrait alors dire que l’on pourrait aussi, dans l’utilisation des référentiels en formation adaptées, utiliser la terminologie même des compétences, et que cela pourrait être efficace à condition de l’adjoindre à des activités préalablement réaménagées, restructurées conformément à la procédure enveloppée par la compétence dont elles relèvent. On aurait alors fait faire, et l’usage des termes abstraits, p.ex. « suggérer un processus d’exécution », pourrait aussi faire voir, grâce à l’utilisation de cette littéralité des compétences. Mais il faudrait alors réunir, ce qui utilisé séparément ne donnerait probablement pas grand chose, la formulation abstraite des compétences d’une part et des activités déjà structurées d’autre part.

Valeur et support de la réflexion.

Cet emprunt aux remédiations n’est qu’un emprunt. Tout comme nous sommes partis du genre pédagogie en formation professionnelle pour arriver à une pédagogie plus spécifique de l’adaptation, il faut maintenant prendre garde à rester dans le genre pédagogie, et à ne pas sortir des objectifs d’une formation professionnelle de niveau V. Et là je m’inscrirais un peu en faux contre les importations massives des pratiques de remédiations dans les S.E.S et E.R.E.A. Elles ont certainement d’excellent certains principes, mais pourquoi importer aussi leur contenu ? En effet, toute la valeur de l’attitude réflexive, et toute la valeur de cette visée des procédures, telle qu’abordée au début de cette intervention, repose sur le fait que l’attitude réflexive dégage la forme d’une activité dans laquelle on doit progresser. Or l’on doit progresser dans les objectifs d’une formation de niveau V, et non pas dans une « organisation de points ». L’attitude réflexive n’a pas de valeur en elle-même, elle n’en a que si elle s’exerce sur une activité, 1) qui corresponde aux objectifs de formation, et 2) qui soit déjà structurée afin qu’on puisse en apercevoir la forme. Lorsque la philosophe Spinoza[5] affirme que la méthode est bien la connaissance réflexive, il s’empresse d’ajouter que la bonne méthode est la réflexion sur l’idée vraie. On peut réfléchir sur n’importe quoi, mais c’est la réflexion sur l’idée vraie qui fait progresser. C’est là que l’on va découvrir la méthode, tout comme réfléchir sur un contenu de formation professionnelle déjà structuré fera progresser vers le niveau V, en découvrant les procédures générales. Retournons donc vers les contenus de formation de niveau V, en important les fécondes intuitions des remédiations qui traduisent quelques réflexions plus anciennes. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’attitude réflexive n’est pas un nouvel objet de la pédagogie, et n’est surtout pas un objectif. La réflexion sur les procédures est un moyen d’atteindre les objectifs de formation.

La question n’est donc pas de réfléchir à tout prix, mais de revenir sur les contenus et finalités professionnels de la formation. On a parlé tout à l’heure de transfert, et ce serait effectivement une garantie de l’efficacité professionnelle au sortir de la formation, lorsque l’élève devra se servir de ses acquis. En un sens, le transfert est donc bien une finalité professionnelle de la formation. En un autre sens pourtant, il n’est que l’indice, la conséquence, d’une compréhension des procédures, d’une acquisition des compétences comme telles, dans leur généralité. C’est justement parce que la compétence est plus générale qu’une activité donnée, qu’en maîtrisant la procédure qu’elle enveloppe, on peut utiliser cette procédure ou mettre en œuvre cette compétence aussi bien ici qu’ailleurs. De ce point de vue, tant les objectifs que les finalités professionnelles pourraient me permettre de retrouver un élément du titre que j’ai laissé de côté entre l’annonce et la préparation de cette intervention : l’appropriation. Et je voudrais le retrouver en citant un autre philosophe, Fichte, qui va me permettre de réunir la prise de conscience de l’action propre, cette attitude réflexive permettant de dégager formes, procédures ou règles, et cette notion d’appropriation telle qu’elle est employée dans la circulaire de décembre 1990, c’est-à-dire comme premier terme d’un paragraphe prenant à la fois en compte les savoirs fondamentaux et la visée, « au-delà des performances », des compétences et des capacités transversales.

Je conclurai ainsi avec Fichte pour qui, si nous utilisons à bon escient nos acquis, alors ce sont vraiment nos propres acquis. C’est une même chose finalement que de s’approprier ses acquis, et d’en maîtriser la procédure générale permettant de les utiliser ici ou ailleurs, bref de les transférer. Fichte écrit : « Ce que nous comprenons avec la conscience du fait que nous en acquérons la connaissance de façon active et avec la conscience des règles de cette activité d’acquisition, cela devient – à la suite de cette véritable activité et de la conscience des règles – un secteur authentique de notre personnalité et de notre existence, que nous avons à développer librement et comme bon nous semble »[6]. On retrouve ici l’appropriation, et l’on retrouve aussi, avec l’autonomie, une des fins essentielles de l’éducation que les pédagogies adaptées doivent bien sûr également poursuivre.



[1]. L’équilibration des structures cognitives, p. 63.

[2]. L’équilibration des structures cognitives, p. 43.

[3]. Revue du CERFOP, décembre 1990, « Une dimension spécifique des pédagogies adaptées ».

[4]. Recherches sur la généralisation, ch. 11.

[5]. Dans le Traité de la réforme de l’entendement.

[6]. Plan déductif d’un établissement d’enseignement supérieur à fonder à Berlin.