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De l’image-modèle à l’image de Dieu. Le dépassement de l’individu dans la doctrine éthique de Fichte, 1798-1812 

Conférence prononcée au Colloque de la Fichte-Gesellschaft à Madrid, « Fichte und die Zeit der Bilder », les 8-11. September 2015.

 

Résumé

De 1794 à 1812, l’éthique de Fichte connaît plusieurs évolutions : abandon de la transformation de la nature au profit de la vie spirituelle, radicalisation du dépassement de l’individu, et rapprochement entre éthique et philosophie première. En 1812 il n’est plus question d’infléchir la nécessité naturelle par l’image modèle (Vorbild) d’un monde idéal. La thématique de l’image apparaît comme extériorisation de la vie absolue. L’action éthique devient un moment de cette manifestation : le retour vers l’un, au terme d’un morcellement du phénomène originaire (le « Moi » ou « Moi un ») en une infinité de Moi(s) individuels. Cette diffraction est essentielle : la vie ne peut être consciente d’elle-même que dans cette forme individuelle. L’agir éthique manifeste le concept ou l’image de Dieu en anéantissant l’individualité. Mais la XIe section de la Seconde Introduction précisait déjà, que dans le monde moral, le Moi « uniquement raisonnable », « a cessé d’être un individu » et dans la première Sittenlehre, § 18,Fichte écrivait : « Nous devons tous agir de la même manière ». L’éthique tardive  ne radicalise donc pas le dépassement de l’individu. Elle définit l’individu rationnel par le dépassement de soi, en faisant de l’éthique un moment de la vie absolue. La question est donc moins de fondre l’individu dans un tout que de participer à un ordre vivant, à l’activité du tout qui va jusqu’à chacun des membres pour revenir vers l’unité première en constituant la totalité comme telle.

Fichte’s ethics changed in many ways between 1794 and 1812: in the first place spiritual life replaced the transformation of nature; individual supersession was radicalized; and ethics was linked with first philosophy. In 1812 it was no longer a matter of inflecting natural necessity by means of the model image of an ideal world (Vorbild). The theme of image reappears as an externalizing of the absolute life. Ethical action becomes a moment of this manifestation: a return to unity, following the process of fragmentation of the originary phenomenon (the I or the I-one), into an infinity of individual I’s. This fragmentation is fondamental:  life is self-consciousness only in this individual form. The ethical act manifests the concept or image of God with the self-annihilation of individuality. Fichte had already written, in part XI of the Second Introduction, that the I, “only reasonnable”, “is no longer an individual”, and in the first Sittenlehre, § 18 : “We are all supposed to act identically”. Fichte’s final Ethics thus does not radicalize the supersession of the individual. It defines the rational individual by this supersession of himself [or herself], making ethics into a moment [stage] of the absolute life. The matter is not to merge the individual into the whole, but to partake in a living order, in the activity of the whole, which reaches out to each of its members, only to return to the first unity, by forming the whole as such.

Conférence

L’hypothèse que voudrait éprouver cette conférence – sans pour autant la confirmer in fine en totalité – est qu’il y aurait une évolution de la doctrine éthique de Fichte, évolution visible de 1798 à 1812 dans la radicalité du dépassement de l’individu d’une part et, d’autre part, dans le rapprochement que la Bildlehre opère entre une doctrine éthique et une doctrine de l’être, entre éthique et philosophie première. Il pourrait s’agir en un sens de commenter cette affirmation de Marco Ivaldo[1], dans Libertà e ragione, selon laquelle la doctrine morale supérieure émerge comme radicalisation de l’éthique telle qu’elle était apparue dans la synthèse suprême de 1798.

Il nous faudra donc d’abord souligner les différences de ces deux périodes de l’éthique fichtéenne, ce que je tenterai de faire de façon fichtéenne, en regardant 1812 du point de vue de 1798, puis 1798 du point de vue de 1812, pour finalement retrouver, dans le statut de l’individu, une voie permettant de penser, tout à la fois l’unité des deux éthiques, et l’unité de la doctrine éthique et de la doctrine de l’être.

I. Vorbild et Bildlehre : deux problématiques différentes ?

Un premier moment donc pour souligner des différences, notamment à partir du terme d’image dans les deux périodes que nous confrontons ici – sous forme de Vorbild autour de 1798 puis aussi du terme de Bild tout court dans la Bildlehre de la Spätphilosophie –, premier moment pour souligner que cette reprise pourrait bien n’être qu’une simple homonymie, sans véritable thématique commune.

En 1798, la thématique du Vorbild ou plus largement, en pensant non seulement à la première Sittenlehre mais aussi à la Nova methodo, la thématique du concept de fin, est liée à l’action individuelle en tant qu’action dans le monde, transformant effectivement la nature – on peut ici penser au § 12 de la première Sittenlehre où Fichte montre comment l’action morale détourne la série naturelle de son cours. Le premier Système de l’éthique peut ainsi être lu comme répondant à l’éthique kantienne et à sa distinction des deux législations, nature et liberté. Fichte dépasse cette distinction en montrant comment l’action morale peut infléchir la nécessité naturelle, c’est pour cela qu’il fait de la liberté un principe théorique[2]. La philosophie morale répond alors à l’affirmation de la Doctrine de la science selon laquelle seule la WL aurait montré le primat du pratique, en prouvant que la raison ne peut être théorique dans être pratique[3]. Ces points sont présents dès 1794, tout à la fois dans le développement de la philosophie théorique, et notamment dans la « Déduction de la représentation », où l’on comprend qu’une activité idéale dépassant la limitation du Moi par le Non Moi est condition de la représentation du réel, et dans la partie pratique de la Grundlage, où l’on comprend avec la déduction de l’aspiration (Sehnen) que la représentation d’un autre que le réel perçu est condition de la représentation du réel immédiatement perçu[4].

La thématique de l’image est tout autre en 1812, où l’on constate un épuisement de la thématique du Vorbild dans le cadre de la transformation du monde par l’action morale effective. On peut commencer par expliquer cela en y voyant une conséquence de l’opposition à Schelling. En 1812, la transformation du monde est seconde, et il n’est plus question d’infléchir la nécessité naturelle : « Il n’y a pour nous ni monde objectif ni nature, cela doit être absolument dénié. A côté d’eux par contre se trouve le monde véritable. Ainsi, Schelling me pardonne, il n’y a pas de nature. »[5]

Lorsque la thématique de l’image apparaît dans la Spätphilosophie, il ne s’agit plus, comme l’avait déjà noté Drechsler[6], d’action transformatrice ou de théorie de la connaissance, mais de philosophie première : d’un rapport entre l’Absolu et sa manifestation, conçu comme la nécessité d’une projection. La recherche récente a souligné une dimension pratique dans ce rapport[7], mais il demeure que la projection en question ne concerne pas l’action individuelle. Elle n’a pas lieu, comme l’avait remarqué Drechsler, à partir du Moi mais à partir de l’Absolu[8].

Il reste donc difficile de rapporter le caractère inconditionné de la projection à la nécessité de la loi morale. La Doctrine de la science 1812 peut nous aider à comprendre comment, pour être manifestation de l’Absolu, l’apparition doit retenir en elle le caractère inconditionné de la projection en s’apercevant comme principe absolu d’elle-même : « il doit y avoir un regard dans lequel l’apparition apparaît en tant que principe absolu d’elle-même », précise la Doctrine de la science 1812 (Chap. III. 3e §, 1P.)[9]. Que ce regard soit celui du commandement moral est une proposition fichtéenne qui ne relève pas seulement de la philosophie tardive, mais que nous retrouvons déjà en 1794 et en 1798[10]. La loi morale ne semble toutefois pas avoir le même statut : en 1794 ou 1798 le fait que le moi puisse s’apercevoir lui-même comme absolu dans l’expérience de la loi morale n’est pas lié à la constitution du savoir absolu ou à l’intuition intellectuelle : l’expérience morale confirme, par un fait nécessaire de la conscience commune, ce que le philosophe construit, ou découvre progressivement en analysant les actes nécessaires de l’esprit humain. Alors que dans la philosophie tardive, l’expérience morale est partie intégrante de la philosophie première. Dans les premières époques de la WL le« dévoilement de la loi morale en nous »[11], expérience à laquelle Fichte confère comme Kant l’universalité du factum rationis, se borne à confirmer la réalité de l'intuition intellectuelle[12].

En 1812, la question qui se pose est bien plutôt de savoir comment retrouver l’éthique proprement dite, science philosophique particulière commandant l’action individuelle, à partir de la philosophie première. Là encore la Doctrine de la science 1812, dans la suite du chap. III. 3e §, 1P., nous aide en précisant que lorsque le Moi s’apparaît, dans l’expérience morale, comme principe absolu de lui-même, ce principe se manifeste par la production de l’image-modèle (Vorbild) d’un nouveau monde[13]. C’est ce même monde qui est condition de l’action morale et que reprendront les ouvrages consacrés à la philosophie pratique proprement dite : « La liberté doit avoir un modèle de ce qu’elle produit »[14]. Mais il faut alors noter que ce monde idéal guidant l’action morale est directement issu du savoir de soi analysé dans la philosophie première. La position d’un monde intelligible est toujours présentée comme l’essentiel de l’éthique[15], mais elle est, en 1812, déduite dans la philosophie première[16]. Comment dès lors ne pas trouver en 1812 la confusion dénoncée en 1798 entre le Moi « comme intuition intellectuelle » par lequel commence la Doctrine de la science et le Moi « comme idée » par lequel elle s’achève[17], confusion entre le savoir de soi et l’idéal moral d’un monde purement rationnel ?

Ici prend racine la problématique présentée en introduction : en 1798, la spécificité de l’éthique apparaît plus clairement : le Moi idéal est distingué du Moi de la philosophie première, la conscience commune peut agir moralement sans avoir à comprendre la Doctrine de la science. Est-ce à dire que dans la philosophie tardive seuls les philosophes agissent vraiment moralement ? Ou comme l’écrit la Staatslehre, que « L'application de la philosophie est une vie morale <sittliches Leben> »[18]. Et en conséquence de ce lien entre éthique et philosophie première, faut-il comprendre que l’agir moral, s’il doit viser autre chose qu’une simple connaissance, se résume à une fusion des individus agissants avec le concept de Moi pur ? Et que signifie alors cette fusion ?

II. La problématique éthique en 1812.

L’affirmation de la spécificité de l’éthique se trouve bien dans la Sittenlehre 1812, non seulement dans la première phrase[19], mais plus loin également, comme par exemple lorsqu’il s’agit, après le premier moment présentant le rapport à la WL en général, de déterminer le lieu de l’éthique[20]. Par distinction d’avec une philosophie de la nature, Fichte distingue aussi éthique et philosophie première en attachant l’éthique à la position d’un monde purement spirituel. Il précise alors, à propos de ce monde spirituel, qu’il est l’image d’un être plus élevé et incompréhensible dont l’étude reste en dehors du point de vue de l’éthique[21]. Mais l’articulation entre l’éthique et ce que Fichte appelle une doctrine de l’être vrai ou de la réalité authentique demeure très étroite. Fichte dit lui-même que l’éthique de 1812 déduit la liberté comme apparition nécessaire de l’absolu et extériorisation de la vie dans une image[22].

Il faut donc ressaisir la spécificité de l’éthique, position du monde spirituel et action individuelle, à partir de l’ensemble de la Bildlehre comme manifestation de l’Absolu. L’action éthique se comprend comme moment de cette manifestation, plus précisément comme retour à partir du terme d’un morcellement ou d’une diffraction du phénomène originaire (le « Moi » ou « Moi un »[23]) en une infinité de Moi(s) individuels. Cette diffraction constitue un élément essentiel de la philosophie première, elle est condition du savoir absolu ou phénomène (apparition) originaire : le phénomène originaire, (Urerscheinung que j’identifie au savoir absolu) s’apparaît en se morcelant (en se décomposant, zerfallen, mais aussi par diffraction, brechen) en un système de Moi(s)[24]. En effet la vie ne peut être consciente d’elle-même que dans cette forme individuelle : il n’y a de conscience qu’individuelle[25]. C’est ensuite que l’effort philosophique consiste pour l’individu à devenir conscient qu’il n’est qu’une manifestation de la Vie une[26] ; il faut que chacun saisisse l’absolu en lui-même. Cette nécessité, si elle doit bien être vécue dans la conscience individuelle, est d’abord nécessité de la manifestation de l’Absolu. Le phénomène originaire, phénomène de l’Absolu doit en effet – précisément pour être (ou parce qu’il est) phénomène de l’Absolu et donc pour être autocompréhension – doit descendre jusqu’au moment réflexif de la conscience de soi qui ne se trouve que dans l’individualité.

Et que chacun se comprenne comme manifestation de la vie une n’est pas seulement condition du savoir, cela engage aussi l’agir moral. Réflexion et liberté vont de pair dans le mouvement qui arrache l’individu à sa particularité. L’agir moral tout entier est alors porté par la nécessité de la manifestation de l’Absolu : le phénomène réel s’apparaît comme une diversité, dans l’autointuition de laquelle se trouve une diversité des Mois, parce qu’elle doit s’apparaître comme s’élevant, par liberté intérieure, de cette diversité donnée à l’unité[27].

On voit bien ici que le moment proprement moral est une partie des conditions du savoir absolu, mouvement ascendant qui revient de l’individualité consciente à la structure fondamentale du savoir. Contrairement aux expositions de 1794-1799, ce n’est donc pas le fait moral qui vient confirmer l’intuition intellectuelle du philosophe, mais c’est la conscience de son rapport à l’Absolu qui apparaît comme condition de l’agir éthique. Ce qui a été dit ci-dessus en terme de conscience est repris et se poursuit en termes d’action : « La vie prend une forme individuelle pour agir »[28].

Dans la philosophie tardive il n’est donc pas facile de distinguer l’éthique de la philosophie première : l’éthique paraît être la conséquence d’une réflexion menée au terme du morcellement du Moi. En ce sens pourtant il demeurerait encore une distinction entre la philosophie première et l’éthique, la seconde suivant la première.

En tant que l’action éthique se dessine et se décide comme conséquence de la réflexion, elle se distingue aussi, et plus nettement, de la transformation du monde naturel telle que l’envisageait l’éthique de 1798 : l’image-modèle (Vorbild) du nouveau monde[29], à produire en conséquence de la prise de conscience de mon rapport à l’Absolu, est immédiatement l’image du règne uniforme, universel et indifférencié de la raison. Il ne s’agit plus d’imaginer une nature progressivement transformée. On retrouve bien la thématique du Vorbild dans l’éthique de la Spätphilosophie, mais elle n’est plus, comme je l’ai déjà dit dans ma première partie, liée à la transformation de la nature. Le Vorbild ne se forme pas au contact de ce monde-ci, dans la connaissance de ses différents aspects et des possibilités d’évolution qu’ils recèlent. L’image-modèle est celle d’un monde spirituel, supra sensible, qui doit être réalisé, tel une nouvelle création. Il est en ce sens possible de comprendre que le lexique de la création, liée à la description, voire constituant une partie de la définition, de la moralité supérieure dans l’Initiation à la vie bienheureuse p.ex.[30], ne vient peut-être pas renforcer la transformation de la nature présente dans l’éthique de 1798, mais vient plutôt se substituer à cette pratique transformatrice qui se frottait au réel de la nature, au risque de voir s’estomper la pureté son idéal. La dimension pratique de la philosophie fichtéenne tardive n’a plus rien de technique, elle se veut implantation immédiate du spirituel dans le monde. Ainsi les « images modèles » que l’élève est appelé à formuler dans le 2e des Reden sont les images d’un monde spirituel, et l’éducation visant la morale ne lui apprend pas à transformer ce monde-ci mais à forger librement et spontanément des images modèles qui ne doivent rien à la sensibilité.

Ce monde vers lequel il s’agit, pour l’individu agissant moralement, de s’élever ou de faire retour, est un monde sans individualité. On revient ici, pour reprendre les termes des Faits de conscience[31] et de la Doctrine de la science 1812, du « schéma 3 », constitué par la fragmentation du Moi Un en une infinité de Moi(s) individuels, vers les schémas antérieurs. Il y a incontestablement un paradoxe[32] à faire de la liberté et de l’autoactivité de l’individu les agents de son propre anéantissement. Mais cette existence paradoxale de l’individu, sur laquelle je reviens dans ma dernière partie, est une constante de la philosophie tardive, dès l’Initiation à la vie bienheureuse où l’anéantissement de soi est la marque d’une vie morale-religieuse, jusqu’à la Sittenlehre 1812, en passant par le 2e des Reden où l’éducation nouvelle doit anéantir la volonté de l’élève. L’image modèle du monde spirituel que forme la liberté du sujet moralement agissant doit être un monde sans individualité pour être l’incarnation de l’image de Dieu ou du règne universel de la raison. La morale fichtéenne s’adresse aux individus mais émane de la raison universelle et renvoie l’individu raisonnable vers la raison universelle : elle fait de chaque individu un membre de la communauté des moi(s) qu’elle lui commande d’incarner.

III. Unité de l’éthique fichtéenne dans le dépassement de l’individu.

Fichte appelle aussi cette communauté des Moi(s) dans laquelle s’incarne l’unité de la raison « image de Dieu »[33]. Si je rassemble les deux principaux points de ma partie précédente – lien entre éthique et philosophie première, et la réalisation ou incarnation du règne de la raison – il semble bien que l’éthique de 1812 commette la confusion dénoncée en 1798 entre le Moi « comme intuition intellectuelle » par lequel commence la Doctrine de la science et le Moi « comme idée » par lequel elle s’achève[34]. Ce Moi « comme idée » est, dans les termes de la Seconde introduction, la raison réalisée dans le monde, ou la raison comme monde[35].

Cet idéal du Moi est toujours présent dans la Sittenlehre 1812, parfois littéralement, p.ex. in GA II 13 p. 335& SW XI p. 38, das Ideale des Ich, mais pour désigner le concept lui-même, i.e. l’image de Dieu, et donc l’unité du Moi Un. En s’arrêtant là, nous aurions confirmation de l’hypothèse avancée en introduction, qui verrait dans l’éthique de 1812 une radicalisation de 1798, accentuant la négation de l’individu en raison même du lien entre éthique et philosophie première.

Mais on peut aussi comprendre que 1812 ne reproduit pas la confusion dénoncée en 1798. On peut souligner que l’individu agissant moralement n’a pas à se confondre immédiatement avec le Moi Un mais qu’il en est l’image, qu’il est donc l’image de l’image de Dieu[36], ce qui réintroduit une distance entre l’agir individuel et sa visée idéale. L’individu agissant moralement rend donc le concept visible[37], en tendant à réaliser la communauté des Moi(s), mais cela dans un processus infini, cf. les Faits de conscience de 1813 : « dans ce monde on ne peut que s’approcher de ce but, la forme de la vie terrestre n’est pas la parfaite présentation de l’image de Dieu »[38]. Nous nous rapprochons à nouveau ici du Moi idéal de 1798. La XIe section de la Seconde Introduction à la Doctrine de la science se conclut par : « nous devons jusqu’à l’infini nous approcher de cette idée ».

Ces rapprochements entre les deux époques de l’éthique sont nombreux. Comme je le rappelai à la fin de ma 2e partie, l’individu agissant moralement manifeste le concept ou l’image de Dieu en s’anéantissant. Le processus par lequel l’individu s’oublie dans la vie morale-religieuse est particulièrement souligné depuis l’Initiation à la vie bienheureuse, mais la disparition de l’individu comme terme de la réalisation de la raison est présente dès 1798, et c’est un point essentiel commun aux deux époques de la morale fichtéenne. La XIe section de la Seconde Introduction précisait déjà, que dans le monde moral, le Moi « uniquement raisonnable », « a cessé d’être un individu ». Peut-être faut-il voir une radicalisation de ce thème dans la dernière éthique, lorsque Fichte affirme à propos de l’intention de l’individu moralement agissant, et de la conscience qu’il doit avoir de lui-même : il n’a pas de soi <kein Selbst[39]>. Fichte précise plus loin que cette absence de soi s’explique par la diffraction du concept en la vie propre[40] de l’individu agissant moralement. Pouvons nous là retrouver encore une radicalisation de l’éthique de 1798 ? Cette radicalisation qui pourrait être lue p.ex. dans l’existence de la communauté affirmant ce dépassement de l’individu : p.ex. dans les Thatsachen des Bewusstseins de 1813, affirmant qu’au terme – certes à l’infini – de la construction de l’idéal commun, l’unité de tous existera dans un « unum collectivum » où « demeurerons la différence des points de vue, mais où la fin, le monde et la force seront communes »[41]

Mais cette idée de la communauté existe sous une forme tout aussi inquiétante en 1798 : juste après avoir rappelé que « la fin dernière de tout être raisonnable est […] l’autonomie de la raison en général », Fichte précise dans la première Sittenlehre : « Nous devons tous agir de la même manière »[42]. Il apparaît donc finalement que l’éthique tardive ne radicalise pas l’éthique de 1798. Mais il me semble qu’elle ajoute et précise un moment essentiel de la vie éthique qui est l’explication du dépassement de l’individu s’anéantissant par sa propre liberté.

Ainsi, contrairement à la dernière partie du célèbre article d’E. Düsing, « Das Problem der Individualität in Fichtes früher Ethik und Rechtslehre »[43] qui réintroduit pour la philosophie tardive l’opposition entre individu et unité du règne de la raison, je pense que c’est dans la philosophie tardive que l’on trouve la déduction la plus approfondie de l’individualité morale – en parlant de l’individualité morale bien sûr, c’est-à-dire rationnelle et non physique, puisqu’il est bien clair que l’individualité physique a été déduite dès 1796[44]. L’éthique de 1812 peut déduire l’individualité morale précisément parce qu’elle effectue cette déduction à partir du Moi Un, parce que le rapport au Moi Un détermine et définit l’individualité, et parce l’individu agissant moralement doit être l’image du Moi-Un. En 1798, seules quelques indications permettaient, à partir de la synthèse finale de la Nova Methodo[45], de comprendre que l’individu pouvait se déduire du commandement moral en « s’arrachant ») au règne de la raison. Mais il était bien difficile à l’époque de rapporter cette détermination, verticale et descendante, de l’individu, aux passages plus développés, et plus commentés, sur l’intersubjectivité. Le rapport des deux plans, horizontalité intersubjective et verticalité du commandement, permet pourtant de mieux saisir la relation intersubjective elle-même en comprenant que c’est d’abord l’universel de la raison que je reconnais dans autrui. Mais la fameuse synthèse du monde des esprits, que Fichte considérait inachevée en 1801[46], n’atteint peut-être son achèvement qu’en 1812.

L’éthique de 1812 – et en fait l’ensemble de la doctrine en tant que liée à la Bildlehre – développe plus avant le statut de l’individu car elle ne peut pas ne pas étudier le dépassement de ce dernier. L’agir éthique, comme mouvement qui porte chaque individu vers l’unité qu’il trouve en lui, est nécessairement lié à la philosophie première déduisant comment l’individu manifeste le Moi Un, phénomène de l’Absolu. Cet agir éthique, et le lien entre éthique et philosophie première, définissent l’individu rationnel, c’est-à-dire finalement l’individu tout court puisqu à proprement parler il n’y a pas selon Fichte d’individualité pour soi dans la Nature, mais seulement dans la vie éthique. Ainsi ces passages étonnants de la deuxième Sittenlehre[47], où l’on comprend que du point de vue théorique, et l’on peut ici penser aussi bien à la subjectivité transcendantale qu’au monde naturel, dans lequel pour Fichte tous les individus sont identiques, mus par les mêmes lois car régis par des lois générales que leur liberté ne reprend pas en soi-même[48]. Ils ne se distinguent comme individus que du point de vue pratique, la singularité ne se montrant que dans le rapport de l’individu au tout de la communauté[49].

Il n’y a pas, dans ce rapport de l’individu au tout de la communauté, contradiction avec l’unum collectivum constituant la fin morale, précisément parce que cette fin ne peut être atteinte qu’à l’infini. Je parle de la vie morale elle-même, de la pratique de l’individu agissant moralement, pour souligner que c’est dans et par cette pratique qu’il existe comme individu. C’est dans la tension vers la communauté morale, et dans l’effort vertueux, que l’individu, sujet du commandement, existe effectivement comme tel. La question est donc moins de fondre ou confondre l’individu avec un tout – c’est toujours déjà fait pour l’individu naturel – ou d’opposer l’individu, comme partie, au tout de la raison universelle, que de participer à un ordre vivant, à l’activité du tout, vie et activité qui doivent aller jusqu’à chacun des membres en sa singularité pour revenir vers la totalité, et la constituer comme telle.

Nous ne pouvons donc penser que la proximité entre éthique et doctrine de l’être radicaliserait le dépassement de l’individu dans la dernière éthique de Fichte. L’individualité est un indispensable moment de la vie une[50]. C’est à l’individu qu’il appartient de construire ce double mouvement, semblable à une respiration, où la conscience individuelle est le creux de ce souffle[51].



[1]. Marco Ivaldo, Libertà e ragione L’Etica di Fichte, Milano, Mursia, 1992, p. 157.

[2]. Das System der Sittenlehre nach den Prinzipien der Wissenschaftslehre, Jena und Leipzig, Gabler, 1798 ; Gesamtausgabe der bayerischen Akademie der Wissenschaften, R. Lauth u. H. Gliwitzky (hrsg), Stuttgart-Bad Cannstatt, Frommann-Holzboog [dorénavant abrégé en : GA] I, 5, p. 77 ; trad. fr. P. Naulin, Le système de l'éthique selon les principes de la Doctrine de la science, Paris, P.U.F., 1986, chap. 2, avant-propos, p. 70.

[3]. Pour démontrer que la raison est fondamentalement pratique il faut en effet montrer « que la raison elle-même ne peut pas être théorique si elle n'est pas pratique ; qu'aucune intelligence n'est possible en l'homme, s'il ne possède pas un pouvoir pratique et que c'est sur celui-ci que la possibilité de toute représentation se fonde » Grundlage der gesamten Wissenschaftslehre, 1794 ; Meiner, Hamburg, 1979 ; trad. fr. A. Philonenko, Les principes de la doctrine de la science dans Oeuvres choisies de philosophie première, Paris, Vrin, 1980 [Grundlage], §5, p. 135fr, 182 Meiner, GA I 2, p. 399. Également : « S'il n'y a pas de pouvoir pratique dans le Moi, alors il n'est pas d'intelligence possible ; si l'activité du Moi ne va pas jusqu'au point où se produit le choc et ne se dépasse pas par-delà tous les chocs possibles, alors […] il n'y a pas de réalité produisant ce choc dans le Moi et pour le Moi, il n'y a pas de Non Moi », Grundlage, §5, p. 144fr, Meiner 195, GA I 2, p. 410.

[4]. Sur ce statut de « l’altérité prochaine » comme condition de la détermination d’un réel, cf. « La représentaction », in Luc Vincenti, Fichte et le marxisme, http://www.luc-vincenti.fr/conferences/fichte_marx.html

[5]. Das System der Sittenlehre, 1812, Sämmtliche Werke (SW), éditées par I. H. Fichte ; Berlin, 1845-1846 ; Bonn, 1834-1835, réédition Walter de Gruyter, Berlin, 1962, [dorénavant SW] SW XI Nachgelassene Werke III, Bonn 1835 & Adolph-Marcus / De Gruyter Bd XI Berlin 1971, p. 32 & GA II 13 p. 329/330.

[6]. Drechsler Julius; Fichtes Lehre vom Bild; Stuttgart; Kohlhammer; 1955, Livre 1, 2e Partie, chap. 3.

[7]. Cf. in J-C. Goddard, A. Schnell, L’être et le phénomène, Sein und Erscheinung, J-G. Fichte, Die Wissenschaftslehre 1804, Paris Vrin 2009, les articles de M. Ivaldo, « Praktsiche Momente in der WL 1804-II », pp. 244-245, et d’Andreas Schmidt, « Bild und Gestetz », p. 276. M. Ivaldo reconnaît dans la nécessité absolue de cette projection, et son caractère inconditionné, l’essence du pratique (sollen), voire la source ou la condition de toute dimension pratique en général, ce qui peut se comprendre aussi dans la mesure où le caractère inconditionné de la projection rend impossible toute déduction théorique du rapport au principe premier et impose de se rapporter à l’Absolu par une exigence pratique. Cf. le lien qu’établit R. Kroner entre l’impensabilité de l’Absolu et l’idéalisme éthique, in Kroner, Richard, De Kant à Hegel, De la critique de la raison à la philosophie de la nature, 1921-1924 ; trad. fr. M. Géraud, Paris, L’Harmattan, 2013, pp. 370/371.

[8]. Drechsler, Ibid., p. 156. Également Jakub Kloc-Konkolowicz, « Eder wird Gott – Zur Erfüllung des Gesetzes und zum Status des handelnden Ich », in Fichte Studien N°29, Amsterdam – New York, 2006, p. 5 : par distinction d’avec le premier Système de l’éthique, l’autonomie en question dans la Bildlehre n’est plus celle du Moi mais celle de Dieu. Mais l’auteur revient en conclusion sur la Sittenlehre de 1798 pour souligner que l’autonomie dont il est alors question est celle de la raison en général. Nous nous accordons pleinement avec cette remarque qui ouvre une perspective synthétique sur les différentes époques de l’éthique fichtéenne.

[9]. Doctrine de la science (1812), GA II 13 (2002), trad. fr. I. Thomas-Fogiel, Paris, P.U.F., 2005, p. 125 (GA 113, SW 405). Ibid. p. 127, GA 114 SW 407 ; « le moi se considère en tant que principe absolu de lui-même ».

[10].Par le commandement moral je m’aperçois comme un « acte absolu, fondé en lui-même et non pas en quelque chose d'autre, de telle sorte que le Moi est ainsi caractérisé comme un sujet absolument actif [als ein absolut Tätiges] », Seconde introduction à la Doctrine de la science, V, GA III 3 p. 219, trad. fr. A. Philonenko, Paris, Vrin, 1980, p. 274 & I. Thomas-Fogiel, Nouvelle présentation de la Doctrine de la science, Paris, Vrin, p. 130/131.

[11]. Ibid.

[12]. « Ce sont deux tâches tout à fait différentes que d’expliquer, en sa possibilité même et de la défendre, grâce à cette explication […] contre le soupçon d’imposture et d’illusion […] C’est par quelque chose de plus élevé qu’il faut confirmer la croyance en la réalité de l’intuition intellectuelle […] Ceci n’est possible que par l’attestation de la loi morale en nous » Ibid.

[13]. Doctrine de la science (1812), GA II 13 pp. 115 & 116 ; trad. fr. pp. 127-129.

[14]. P. ex. La Sittenlehre (1812), GA II 13 p. 316, SW XI p. 18.

[15]. Das System der Sittenlehre (1812), GA II 13 p. 382, SW XI p. 105 : « L’essentiel de tous les symboles possibles tient dans la proposition qu’il y a un monde suprasensible et au dessus de toute nature, la destination de l’homme étant d’en être la vie et l’instrument ». Fichte retrouve sur ce point la Sittenlehre de 1798 : GA I 5 218, trad. fr. 231.

[16]. Sur ce lien entre éthique et philosophie première, cf. Jacinto Rivera de Rosales, « Das Absolute und die Sittenlehre von 1812. Sein und Freiheit », in Fichte-Studien 23, tout le point 2 et notamment p. 53.

[17]. Seconde Introduction à la doctrine de la science, XIe section, GA III 3 p. 266, p. 310 trad. A. Philonenko, p. 167 trad. I. Thomas-Fogiel.

[18]. Staatslehre, 1813, Sämmtliche Werke IV, 1844, rééd. W. de Gruyter, Berlin 1971, p. 389, & trad. fr. La doctrine de l’État, Paris, Vrin, p. 77. Et cela juste après avoir rappelé que « La loi morale est donc image d'un suprasensible, spirituel pur, et donc de cela qui n'est pas mais qui, par le vouloir, commencement absolu de l'être, doit seulement devenir. » SW IV p. 388.

[19]. « La doctrine éthique est une science philosophique particulière, non la philosophie ou la WL elle-même ».

[20]. « Ansicht der Welt und der Sittlichkeit aus diesem Standpunkte », Point de vue du monde et de la vie éthique à partir de ce point. GA II 13 p. 329.

[21]. Das System der Sittenlehre (1812), GA II 13 p. 330, SW XI p. 32 : die neue Einsicht aufgeht, daß es selbst nur Bild sei eines höheren, unmittelbar schlechthin unerforschlichen und unbegreiflichen Seins, gehört nicht hierher, und wir müssen davon uns rein behalten, falls wir die Ansicht aus dem Standpunkte einer S.-L. nehmen.

[22]. Das System der Sittenlehre (1812), GA II 13 p. 331/332 ; SW XI p. 34.

[23]. Cf. Thatsachen des Bewusstseins, 1813, GA IV 6 & NW I, SW IX, I.H. Fichte ; Bonn, A. Marcus, 1834, rééd. W de Gruyter Berlin 1962, Conf. XII & XIV.

[24]. Thatsachen des Bewusstseins, 1813, Conf. XII, SW IX, p. 520/521.

[25]. P.ex. SW XI 73 : & GA II 13 p. 358.

[26]. Et non à devenir conscient de lui-même en tant qu’individu : Faits de conscience de 1811 3e section chap. 2 (SW II 647/48) : l’individu n’est pas conscient de lui-même, car il n’est pas, comme tel.

[27]. Thatsachen des Bewusstseins, 1813, Conf. XVIII, SW IX p. 551.

[28]. Cf. les Faits de conscience de 1811, 3e Section, chap. 2, SW II p. 641.

[29]. Doctrine de la science (1812), trad. fr. pp. 127-129. Cf. ci-dessus note 13, p. 4.

[30]. P.ex. in Anweisung zum seligen Leben, 1806, GA II, 9 ; trad. fr. sous la Dir. de P. Cerutti, Paris, Vrin, 2012, 5e Leçon, p. 117-118.

[31]. P.ex. in Thatsachen des Bewusstseins, 1813, NW I, SW IX, 5e et 13e conférences ; & Johannes Schurr, Gewissheit und Erziehung, Ratingen, Henn Verlag, 1965, § 13.

[32]. Cf. M. Ivaldo, « Das Wort wird Fleisch. Sittliche Inkarnation in Fichtes späte Sittenlehre », in Fichtes praktische Philosophie, hrsg. H-G. von Manz und G. Zöller, Olms Verlag, 2006, p. 190.

[33]. Cf. Sittenlehre 1812, GA II 13 p. 353 & 358 ; SW XI pp. 66 & 72.

[34]. Seconde introduction à la Doctrine de la science, V, trad. fr. A. Philonenko, Paris, Vrin, 1980, p. 274 & I. Thomas-Fogiel, Nouvelle présentation de la Doctrine de la science, Paris, Vrin, 1999 ; XIe section, p. 310 trad. A. Philonenko, p. 167 trad. I. Thomas-Fogiel, GA III 3 p. 266. Cf. supra p. 5.

[35]. Ou encore, pour le Moi qui étend à l’infini l’objet de son effort dans la Grundlage : « un monde tel qu'il devrait être, si toute réalité était absolument posée par le Moi ; […] un monde idéal, seulement posé par le Moi et non pas du tout par le Non Moi » Grundlage, §5, p. 138fr, Meiner 186, GA I 2, p. 403.

[36]. Cf. Sittenlehre 1812 GA II 13 p. 322 & SWXI p. 23 : Das Ich ist ganz und gar der Ausdruck und Stellvertreter des Begriffs, um ihm zu verschaffen, was er durch sich, als ideales, nicht vermag. Das Ich ist also real, was der Begriff ideal ist, « le Moi n’est que l’expression et le tenant lieu du concept, pour produire ce qui ne peut l’être par lui, en tant qu’idéal. Le Moi est ainsi réellement ce que le concept est idéalement ».

[37]. Cf. M. Ivaldo, « Das Wort wird Fleisch. Sittliche Inkarnation in Fichtes späte Sittenlehre », in Fichtes praktische Philosophie, hrsg. H-G. von Manz und G. Zöller, Olms Verlag, 2006, pp. 188.

[38]. Faits de conscience de 1813, Conf. XIX, SW IX p. 560 : in dieser Welt aber ist nur Annäherung an dieses Ziel möglich ; also die Form des Erdenlebens ist nicht die vollendete Darstellung des Bildes Gottes.

[39]. Sein Charakter ist Selbstlosigkeit. Selbstverläugnung ist viel zu wenig gesagt, indem es anzeigt einen Akt und ein Werden; welches aber durchaus nicht Statt findet, denn der Sittliche hat kein Selbst ; (je souligne) Sittenlehre 1812, SW XI p. 86, GA II 13 p. 369, également cité par M. Ivaldo, « Das Wort wird Fleisch. Sittliche Inkarnation in Fichtes späte Sittenlehre », in Fichtes praktische Philosophie, hrsg. H-G. von Manz und G. Zöller, Olms Verlag, 2006, p. 189/190.

[40]. Sittenlehre 1812, GA II 13 p ; 370, SW XI p. 88 : vermittelst des Durchbruchs des Begriffs zum eigenen Leben.

[41]. Thatsachen des Bewusstseins 1813, NW I, SW IX, 19e Conférence, pp. 559/560.

[42]. Sittenlehre, 1798, § 18 pt 4, GA I 5 p. 211 ; trad. fr. P. Naulin, Le système de l'éthique p. 223

[43]. Dans le 3e N° des Fichte-Studien.

[44]. Cf. encore récemment : Wilhem Hans-Jakob, « The déduction of individual : Fichtes effort to complete the Jena Wissenschftslehre », et par Gunter Zöller, « the individual of the I in Fichte’s Second Iena WL, 1796-1799 », deux articles publiés in D. Breazeale & T. Rockmore (eds.) New essays on Fichte’s later Jena Wissenschaftslehre, Evanston, Illinois, Northwestern University Press, 2002

[45]. Dans le § 18 pt. 3 de la Nova methodo, mais en partant aussi du § 13 : c’est à la suite de l’expression de la volonté pure sous la forme d’un devoir ou d’une loi déterminée que je deviens sujet moral, individu raisonnable : « par là je deviens le sujet de cette volonté, un INDIVIDU, et, comme déterminable correspondant, un règne d’être raisonnables devient pour moi » Doctrine de la science nova methodo, résumé du § 13 : « dadurch werde ich dans Subjeckt dieses Willens, ein INDIVIDUUM, und als bestimmbares dazu wird mir ein Reich vernünftiger Wesen ». Le devoir ou la tâche de me déterminer moi-même est ainsi ce qui me produit comme individu rationnel ; Cf. Edith Düsing, « Autonomie – soziale heteronomie – Theonomie. Fichtes Theorie sittlicher Individualität », Fichte-Studien 1995-8 p. 69 & Günter Zöller, « Die Individualität des Ich in Fichtes zweiter Jenaer W.L. », in Revue internationale de Philosophie, « Fichte, Doctrine de la science nova methodo », N° 4, 1998, p. 658-660.

[46]. Fichte A Schelling du 31 Mai ou Août 1801, « la plus haute synthèse, celle du monde des esprits, n’a pas encore été effectuée », GA III 5 p. 43.

[47]. Sittenlehre 1812 GA II 13 p. 353, SW XI 66.

[48]. Sittenlehre 1812 GA II 13 p. 356, SW XI 68/69.

[49]. Cf. Giovanni Cogliandro, « Des Begriff sey Grund der Welt » - Die Sittenlehre 1812 und die letzten Darstellungen der WL » in Fichte-Studien 29 (2003), 169 : l’individu isolé ne peut être conceptuellement déterminé que s’il agit moralement. 

[50]. Nous retrouvons la conclusion de l’article de Jacinto Rivera de Rosales, « Das Absolute und die Sittenlehre von 1812. Sein und Freiheit », in Fichte-Studien 23, notamment p. 56, faisant de l’individu, non pas l’agent de son anéantissement, mais de la puissance créative et de la vie propre de l’Absolu.

[51]. Sur cette métaphore, cf. Destination de l’homme, fin, GA I 6 307, trad. J.C. Goddard, Paris, Garnier Flammarion, 1995, p. 226.