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La genèse pratique du sujet et son dépassement : Fichte et Althusser.

Conférence prononcée lors du 15e Colloque international d’Evian, 12-18 juillet 2009.

Introduction

Ce titre pourrait être interprété comme annonçant un exposé sur la grandeur et la décadence du sujet – la grandeur correspondrait à Fichte, voire Kant et Fichte comme je l’avais annoncé, et la décadence correspondrait à la déconstruction de la modernité, ici le matérialisme marxiste et l’assujettissement althussérien. Or je ne veux pas opposer Fichte et Althusser, mais présenter une identité de structure, identité ou parallèle qui se prolonge assez longuement, en ouvrant sur des questions semblables, dans deux problématiques pourtant très différentes. J’exposerai donc plutôt un problème qu’une solution.

En un sens, il suffit de voir dans Fichte l’illustration de l’idéologie analysée par Althusser, pour ne pas s’étonner qu’il y ait identité de structure entre ce que dit Fichte du sujet, et ce que décrit Althusser, du fonctionnement idéologique de l’assujettissement. Toutefois les parallèles sont vraiment très précis, et on ne peut pas ne pas chercher une médiation entre les deux auteurs, probablement par Feuerbach. J’exposerai cette identité de structure entre le sujet fichtéen et l’interpellation althussérienne dans mes deux premières parties.

Cette identité de structure est aussi rendue possible parce que, à la suite de Kant, la conscience de soi jouera aussi pour Fichte le rôle d’un déterminant moral. Mais, à la différence de Kant, Fichte vise le dépassement de la personnalité. L’institution du sujet comme personne, substance intelligible[1], est donc à dépasser, aussi bien pour Fichte que pour Althusser. La question de ce dépassement, de son agent, et de l’existence des individus au-delà – ou en deçà – d’une personnalité morale, est alors une question qui se pose, à la fois, chez Fichte et chez Althusser. J’examinerai dans ma troisième partie cette étrange rencontre de deux philosophies opposées autour de cette question commune.

I. La genèse fichtéenne du Moi.
IA. La figure de l’appel.

La première similitude entre Fichte et Althusser est tout à fait évidente pour qui pratique les deux auteurs : pour les deux auteurs la subjectivité, comme conscience de soi individuelle – conscience d’être un sujet, autonome et responsable –, se construit non pas dans une relation à autrui en général, mais dans une relation à un autre qui m’appelle, ou m’invite, à être un sujet. « L’interpellation » althussérienne[2] répond à l’appel ou sollicitation – Aufforderung – que Fichte thématise dans son Fondement du droit naturel[3], en 1796. Ce sont des passages très connus, ils sont en France commentés depuis 1902 ; date du premier ouvrage de ce très grand fichtéen qu’était Xavier Léon[4].

Le point de départ de nos deux auteurs est pourtant très différent, puisqu’il est pour Fichte une déduction, idéaliste, de mon existence, sensible, en société humaine réglée par le droit, déduction parce que la société juridique apparaît comme une des conditions de la conscience de soi, expérience première de la certitude. Il s’agit donc de rapporter l’expérience intellectuelle de la certitude – l’intuition intellectuelle, cogito fichtéen[5] – avec le côté objectif de cette expérience, celui par lequel la déduction des conditions de la conscience de soi nous conduit jusqu’au monde sensible, comme lieu de la relation juridique intersubjective. Dans la décision volontaire de réfléchir sur soi, se trouve originellement une liberté qui, pour être rapportée au côté objectif de l’intuition intellectuelle – à un « ce que » je suis –, doit d’abord avoir été pensée comme liberté dans un « monde ». La liberté est ici comprise comme causalité dans un « monde », « monde » lui-même à comprendre seulement comme l’objectif ou le réel en général : ce sur quoi la causalité libre doit avoir un effet, et donc ce qui s’oppose à cette causalité libre. Il faut donc que ma liberté existe comme matière : Fichte déduit alors le corps humain, « Moi matériel déterminé »[6]. Il faut que ce corps soit articulé de façon à permettre toutes les actions libres de la personne ; « Un corps comme celui qui vient d’être décrit, à la persistance et à l’identité duquel nous rattachons la persistance et l’identité de notre personnalité, que nous posons comme une totalité articulée et close, et où nous nous posons comme exerçant une causalité de façon immédiate par notre volonté, est ce que nous nommons notre corps »[7].

Il faut noter cette position nécessaire du corps humain comme rencontre de la liberté et du monde. Seront ensuite déduites comme nécessaires, pour prendre conscience de ma liberté dans le monde, des actions sur les corps ou entre les corps. Cet aspect, très matériel, d’intervention sur les corps pour constituer une représentation de soi, est en jeu dès l’idéalisme fichtéen. Nous le retrouverons chez Althusser avec son concept de « pratiques »[8], et cela avant la biopolitique de Foucault, qui était son élève.

La déduction fichtéenne du corps humain comme tel sert de point de départ à deux branches conjointes de la déduction ultérieure : l’intersubjectivité du point de vue du sujet tout d’abord, et du point de vue des conditions matérielles de son exercice ensuite. Du point de vue du sujet, pour que je prenne conscience de ma liberté dans le monde sensible, il ne suffit pas que je réalise librement ma volonté à un moment, puis rencontre un obstacle à un autre : il faut que la libre réalisation de ma volonté m’apparaisse comme objet. Et pour que ma liberté me soit donnée comme objet, je dois la rencontrer non pas comme un objet présent qui s’opposerait à ma causalité libre, mais comme projet à venir. Voilà déduit l’appel, appel à agir librement, qui éveille la conscience de moi-même. Cet appel ne peut être issu que d’un autre être raisonnable, parce qu’il s’adresse à ma liberté, la présuppose, et donc la connaît en elle-même et la reconnaît en moi-même. L’intersubjectivité est donc condition de la conscience de soi.

Du point de vue des conditions matérielles de l’intersubjectivité, il est clair que l’influence réciproque doit s’adresser au corps humain comme tel, à un corps mu par la liberté, et par une liberté qu’il s’agit de ne pas anéantir en se rapportant à elle. D’où la déduction d’un « organe supérieur » : ce sont les sens de l’ouïe et de la vue, qui permettent d’avoir rapport à autrui sans le contraindre. Du coup, avec la nécessité de l’intersubjectivité, sont aussi déduites ses modalités, en l’occurrence une communication que Fichte appellera « l’échange de concepts », et qui se situe sur le plan d’un dialogue entre êtres raisonnables. Ce dialogue peut être lui-même pensé comme modèle d’une relation éducative, à condition toutefois de penser l’éducation sur un mode réciproque, au sens où ce qui est développé dans l’intersubjectivité est la nature commune des sujets en relation[9].

La structure relationnelle de l’existence des consciences de soi permet à Fichte de déduire la nécessité d’une existence en communauté, cette communauté qui instituera une relation juridique. Pour notre propos, il faut noter une difficulté de la doctrine, qui se répercutera dans l’évolution de l’œuvre, et dans le parallèle que je veux montrer ici entre Fichte et Althusser. Fichte présente bien la communauté comme constituant le milieu de l’existence humaine, mais il continue d’envisager un Dieu pour éduquer le premier couple[10]. Nous ne serions donc pas encore pleinement dans l’auto éducation de la communauté qui s’affirmera dans la troisième des Thèses sur Feuerbach[11]. Derrière la modernité de Fichte demeure, avec la figure de l’éducateur originaire, une transcendance de l’appel, transcendance qui peut être incarnée, pour l’actualité de l’appel, par une différence entre les deux interlocuteurs et une certaine asymétrie. Il y a encore ici un parallèle avec l’interpellation althussérienne : si tout un chacun peut répercuter l’interpellation idéologique et se faire avec plus ou moins de succès son agent, c’est toujours, comme en témoigne le sous titre énonçant la thèse d’Althusser[12], l’idéologie en général qui interpelle les individus en sujets. Chez Fichte également, tant par rapport à l’éducateur originaire, que par rapport au statut transsubjectif de la communauté – ou, sur le plan éthique, de la volonté divine –, tout un chacun peut interpeller l’autre à agir librement, mais il ne le fera efficacement et justement qu’en respectant les lois du monde rationnel, éthique et juridique. L’interpellation se déplace ici, de l’immanence intersubjective, vers le rapport du Moi de chacun à une transcendance originaire, rapport qui constitue chacun en sujet. Ce déplacement de l’intersubjectivité vers un rapport entre individu et monde rationnel prend, dès la première philosophie fichtéenne, la figure de l’éthique, et il constitue, pour l’évolution de l’œuvre, l’essentiel de la constitution du sujet. L’intersubjectivité se construit dans la philosophie du droit, mais laisse place dans l’éthique à un face à face entre l’individu et l’universel de la raison. Ce que je développerai dans les deux derniers moments de cette première partie, en commençant par l’évolution de l’œuvre et la constitution du Moi dans la Bildlehre de la Spätphilosophie.

IB. Le Moi comme image : La Bildlehre de la Spätphilosophie.

La Bildlehre de la Spätphilosophie se distingue de la première philosophie de Fichte par son objet, plus théorique. Elle renforce le parallèle entre Althusser et Fichte, entre la constitution du sujet par l’idéologie en terme de « processus spéculaire » chez Althusser, et la structure de la conscience de soi chez Fichte. La terminologie de l’image, plus particulièrement élaborée dans les textes de 1812[13], intervient d’abord dans le champ théorique, en définissant le savoir comme image. L’image n’est pas un autre être, être parmi les êtres ou objet parmi les objets, mais un autre qui n’est pas l’être. Mais alors ce qui est su, comme partie constituante du savoir, n’est pas l’être, mais une autre image (=b), à laquelle renvoie le savoir comme première image (=a). Ce renvoi exprime que l’image est nécessairement duelle[14]. La deuxième image est là, écrit Fichte, pour exprimer que la première image n’est pas l’être[15], ni une partie de l’être, mais purement image, simple reflet comme tel. Pour rendre la Bildlehre plus compréhensible, on peut dire que nous retrouvons, dans la dualité de l’image, la dualité du sujet et de l’objet, comme dualité kantienne entre intuition et concept : ma perception ne constitue un savoir qu’en renvoyant au concept de ce qui est perçu, et inversement. Le concept de ce qui est perçu n’est pas l’être, la chose même, il exprime le contenu de ma perception, tout en s’en distinguant, et en se distinguant de la chose en soi.

Les parties constituantes du savoir, les deux images, intuition et concept, constituent un savoir en renvoyant l’une à l’autre, en étant donc chacune image de l’autre dans un redoublement spéculaire. Continuant le geste de la philosophie critique de Kant, Fichte fonde le savoir ordinaire en le rapportant au savoir absolu, réflexivité de l’intuition intellectuelle comme unité originaire du sujet et de l’objet. Dans les termes de la Bildlehre il s’agit de rapporter l’image, comme savoir, à l’image de l’image, comme savoir de soi. Le rapport d’un Je pense, réflexion immédiate, au savoir ordinaire, se comprend alors comme la mise en forme de l’être, par la pensée, dans une image, à partir de l’autocompréhension du Moi, le Moi étant défini comme image qui se comprend elle-même. La philosophie, comme savoir du savoir, devient un savoir de l’image. Ce qui veut dire aussi une image qui se comprend elle-même comme image. En ce sens, le savoir du savoir, est savoir de ce qui n’est qu’une image, une image qui se comprend elle-même comme n’étant pas l’être. La fondation du savoir ordinaire dans le savoir philosophique, savoir du savoir, comprend que le savoir est image, simple reflet comme tel, qui ne peut se poser « comme tel » qu’en étant reflet de lui-même. Et la certitude immédiate de l’intuition intellectuelle ou du savoir absolu est acquise en circonscrivant ainsi tout son être dans le reflet d’un reflet[16]. La réflexion du Moi, fondatrice du savoir philosophique, est alors celle d’un pur reflet, distinct de l’être.

On comprend alors que le deuxième apport de la théorie de l’image concerne ce qui est particulièrement en jeu depuis la Doctrine de la science 1801 et la rupture d’avec Schelling, le rapport de la Doctrine de la science et du savoir absolu, ou intuition intellectuelle, à l’Absolu. La théorie de l’image met en abîme la question de la genèse du savoir absolu, en circonscrivant le savoir dans une image qui ne peut comprendre sa propre genèse, et doit poser son rapport à l’Absolu comme incompréhensible.

Pour mon propos, je retiens de la Bildlehre cette constitution du Moi comme reflet de lui-même, faisant du redoublement spéculaire le moment constituant qu’Althusser attribuera à l’idéologie.

IC. Le Moi et l’Absolu dans la conscience commune.

L’équivalence[17], entre le Moi et l’image qui se sait telle, exprime chez Fichte la distinction entre Absolu et savoir absolu, ou entre Absolu et conscience de soi, distinction présente dès les premiers exposés de la Doctrine de la science[18]. C’est cette distinction entre le Moi et la pure autoposition absolue qui engage la Doctrine de la science à recouvrir une dimension pratique, et cela jusqu’à la Spätphilosophie.

Dans le reflet de soi qui constitue le Moi se sachant n’être qu’une image, le redoublement spéculaire fichtéen qui constitue le savoir constitue aussi le savoir de soi. Le Moi apparaît alors et s’apparaît à lui-même dans une sorte d’autonomie qui a un double effet contradictoire : 1) en faisant exister l’image de soi comme reflet d’elle-même, la spécularité distingue, et sépare, l’image de l’être absolu ; 2) en conférant à la conscience de soi une certaine autonomie comme image d’elle-même, la spécularité rend l’image identique, en sa forme, à l’autoposition absolue visée par l’intuition intellectuelle ou savoir absolu. Nous retrouvons alors en 1812 la même détermination contradictoire de la conscience de soi qui avait conduit le premier Fichte à poser l’exigence pratique. Le Moi qui se découvre, dans l’intuition intellectuelle ou le savoir philosophique, comme unité sujet / objet originaire, n’est pas l’Absolu mais il est, dans sa forme, en tant que réflexivité immédiate, identique à la réflexivité de l’Absolu. De cette contradiction entre différence – du Moi et de l’Absolu – et identité – du Moi et de l’Absolu, mais dans la forme du Moi seulement – la première philosophie de Fichte en déduisait la raison pratique, au sens kantien toujours, c’est-à-dire l’exigence morale[19]. Pour résorber cette contradiction intérieure il est exigé de rendre au Moi son unité en se rapprochant au plus près de l’autonomie absolue[20]. Jusqu’en 1812[21], la loi morale répond par une exigence au nécessaire inachèvement du savoir, recherchant « un regard dans lequel l’apparition apparaît en tant que principe absolu d’elle-même »[22]. L’image ou l’apparition, se sachant comme image de l’Absolu, se regarde comme principe d’elle-même, ce qui la distingue de l’Absolu et ne lui donne toujours aucun savoir de sa genèse à partir de l’Absolu. Pour le philosophe s’achève ici le savoir. Pour la conscience commune commence la moralité, puisqu’elle vit son rapport à l’autonomie sous la forme d’une exigence qui s’adresse à elle, c’est-à-dire d’un devoir. Philosophie et moralité, savoir de soi et obligation, sont donc à rapporter l’un à l’autre ici. Tout d’abord parce que le philosophe doit agir moralement, et n’échappe pas à la dimension pratique de la conscience de soi lorsqu’il en déduit le fondement. Mais ensuite et surtout parce que c’est bien la conscience de mon identité – qu’elle soit fondée par la philosophie ou simplement vécue par la conscience commune – qui fonde l’obligation[23]. Fichte doit cela à Kant, du moins si l’on comprend que la moralité commence non pas avec la loi mais avec l’obligation, et donc avec l’autonomie[24], avec ce qui fait de la loi morale une loi qui s’adresse à moi parce qu’elle est, d’un certain point de vue – du point de vue intelligible de mon existence rationnelle – toujours déjà la mienne. Il faut pour cela prêter attention à la reconstruction de la « personnalité »[25] dans la Critique de la raison pratique, et à son utilisation lorsque Kant, dans les « Mobiles de la raison pratique », cherche les racines du devoir, c’est-à-dire non plus simplement de la loi, mais de sa force obligatoire[26]. De cette rencontre entre la Critique de la raison pratique et la Bildlehre il s’ensuit que la spécularité constituant la conscience de soi produit également l’obligation morale. Conclusion importante dont nous retrouverons les échos dans les effets pratiques de l’interpellation althussérienne, qui n’est pas la simple description d’un redoublement spéculaire, mais déduit des effets sociaux : atteler chacun à sa tâche en lui assignant son identité.

II. La déconstruction althussérienne.

Nous avons chez Fichte l’ensemble des éléments qu’utilisera Althusser – interpellation interindividuelle, déduction du devoir et de l’obligation liés à cette interpellation, position théorique d’un sujet absolu et spécularité. Je vais présenter maintenant chez Althusser la constitution du Moi à partir d’un processus de « réflection », en détournant ainsi l’orthographe pour souligner la superposition de la réflexivité philosophique idéaliste d’une part, et du reflet constituant le soi dans le processus spéculaire de l’idéologie d’autre part. Je commencerai par le moment de l’interpellation, pour développer ensuite la constitution du Moi dans le processus spéculaire de l’idéologie religieuse, et revenir finalement vers une dimension morale, en rappelant la fonction sociale des idéologies qui est d’atteler chacun à sa tâche.

IIA. L’interpellation.

L’interpellation tout d’abord, qui est à comprendre comme le simple fait que quelqu’un appelle quelqu’un d’autre, en interrompant sa démarche. Le moment de l’interpellation résume ce qu’Althusser veut dire de l’idéologie, en l’analysant à partir de ses effets, comme participant à la (re)production de l’ordre social. En ce sens l’interpellation est présentée dans les textes concernant les « A.I.E. », Appareils Idéologiques d’État, en comprenant par « appareil » des dispositifs ou des pratiques (le déplacement des corps à la messe, ou les manières de se saluer) réglés et ritualisés, dans des institutions publiques ou privées (Église, École)[27]. Les textes présentant les A.I.E. s’annoncent eux-mêmes comme un complément à la théorie marxiste de l’État. Complément au sens où les A.I.E. produisent les mêmes effets que l’A.R.E., « Appareil répressif d’État » : ils produisent et reproduisent l’ordre social. Mais ils le font par d’autres moyens, ils ne fonctionnent pas à la violence, mais à l’idéologie. Cette petite introduction nous permet déjà de prendre au sérieux le rapprochement de l’interpellation althussérienne et de l’Aufforderung fichtéenne, non pas tout de suite quant à la fin (l’ordre social), mais quant aux moyens : chez Althusser non plus l’influence sur l’individu n’a pas pour cause la contrainte, mais une forme de « persuasion-conviction »[28] au moyen de simples signifiants, ce qui fait déjà de l’interpellation un terme presque trop fort, parce qu’il enveloppe un commandement, voire une sommation. Il faut donc, comme le rappelle une note du manuscrit Sur la reproduction[29], distinguer l’interpellation des A.I.E. de l’interpellation policière, qui relève toujours de l’A.R.E.

Le parallèle avec Fichte va au-delà d’une intersubjectivité non contraignante, jusqu’à l’aspect constitutif de l’intersubjectivité. L’interpellation est l’essentiel de l’A.I.E., qui est lui-même l’essentiel de l’idéologie pour Althusser : « c’est une seule et même chose que l’existence de l’idéologie et l’interpellation des individus en sujets »[30]. Et si l’interpellation est aussi importante, c’est parce qu’elle ne fait pas qu’engager les individus dans des pratiques, mais elle constitue en sujets les individus qu’elle engage dans des pratiques[31] : « Le discours idéologique recrute en produisant lui-même les sujets qu’il recrute »[32]. Le moment de l’interpellation est fondamental parce qu’il constitue les sujets comme tels. On ne doit donc pas faire appel à un sujet existant en dehors de – ou avant – un processus d’interpellation, pour expliquer que l’individu interpellé se retourne. C’est au moment où il se retourne, et parce qu’il se retourne, que l’individu se reconnaît comme celui qui a été interpellé, et qui est donc capable d’exister (1) comme se reconnaissant, dans (ou par, ou grâce à) une relation d’interpellation, et (2) comme celui qui est source / origine de certains actes attendus. Comme je le disais dans une conférence précédente[33], c’est là l’essentiel de ce que lui demande l’idéologie, et l’A.I.E. tout entier n’a peut-être pas d’autre but que de faire exister ce moment de l’interpellation. En ce sens il est important de préserver le caractère dépouillé, quasiment formel de l’interpellation althussérienne, et de ne pas présupposer un sujet existant, antérieurement et indépendamment de l’interpellation, comme a pu le faire J. Butler en faisant jouer les identités négatives sur fond communautariste[34], ou comme l’a fait plus récemment Franck Fischbach en accordant, je crois, trop d’importance au sentiment de culpabilité[35], cause supposée du retournement, culpabilité qui présuppose évidemment un sujet. Il faut rappeler pour mon propos qu’Althusser est beaucoup plus proche de l’idéalisme allemand et du commandement moral kantien, tout à la fois par son formalisme et par la position d’une identité au fondement de l’obéissance[36]. Par le formalisme – le simple fait que l’individu interpellé se retourne – il n’y pas lieu de faire appel à des identités communautaires préexistantes ; et par la position de l’identité dans la sphère de l’obéissance morale, il n’y a pas lieu de présupposer un sujet avec un sentiment de culpabilité.

Dans le statut constituant conféré à l’interpellation se trouve une nouvelle raison de rapprocher encore une fois Fichte et Althusser : pas de conscience de soi sans appel pour Fichte, pas de sujet sans interpellation pour Althusser. D’ailleurs, et pour abandonner le modèle de l’interpellation policière qui ouvre grand la porte à la culpabilité, il faut noter que se pose chez Althusser le même problème qui se posait chez Fichte pour l’intersubjectivité : on ne sait pas vraiment si l’interpellation a lieu à partir d’un autre sujet interpellant, ou – préfiguration des dispositifs de pouvoir foucaldiens – par l’A.I.E tout entier, c’est-à-dire l’existence de l’idéologie elle-même. La question du premier appel, et du premier sujet, ne se pose pas chez Atlhusser qui évacue toute notion de genèse. Mais l’idéologie elle-même est, dans la thèse fondamentale, sujet grammatical de l’interpellation : « l’idéologie interpelle les individus en sujets ». Si nous sommes tous déjà sujets pour Althusser, ou tous à même de nous reconnaître comme conscience de soi pour Fichte, c’est fondamentalement grâce à ce grand sujet qu’est le monde rationnel fichtéen, ou pour Althusser parce que nous sommes toujours dans l’idéologie.

IIB le redoublement spéculaire.

L’idéologie constitue donc les sujets. Mais comment ? Par le redoublement spéculaire que nous avons déjà rencontré chez Fichte, et qui arrive jusqu’à Althusser via Feuerbach[37]. Une première[38] relation spéculaire est requise pour que l’individu se constitue en sujet interpellé : « il faut qu’il se reconnaisse comme sujet dans le discours idéologique, il faut qu’il y figure : d’où une première relation spéculaire, qui fait que le sujet interpellé peut se voir dans le discours de l’interpellation »[39]. L’idéologie n’étant pas contraignante, il faut que le sujet trouve dans l’idéologie des raisons de croire que c’est bien lui qui a été interpellé ou qu’il est bien, sujet libre autonome et responsable, capable de « répondre à l’appel ». Ces raisons, ou cette garantie, l’individu les trouve dans le redoublement inversé et symétrique de la première relation spéculaire, redoublement qui lui confirme son statut de sujet lorsqu’il voit, dans le discours idéologique, le Sujet par excellence, s’adressant à lui, se tournant vers lui pour y reconnaître son image. L’individu trouve confirmation de l’appel parce que le Sujet par excellence, celui qui est sujet en et pour lui-même, Dieu, s’adresse effectivement comme tel à l’individu. Dieu va jusqu’à se faire homme, et confirme par là que l’homme est bien à l’image de Dieu. Ainsi l’individu trouve, dans l’appel de Dieu, la confirmation de son existence comme sujet (avec un petit « s »), certes moins parfait que le Sujet (avec un grand « S »), mais semblable quand même en quelque sorte au grand Sujet, et soumis parce qu’il lui est semblable, reconnaissant[40]. Le processus de redoublement spéculaire joue comme garantie, ou comme opérateur de vérité, parce que la deuxième relation spéculaire émane d’un sujet en soi, d’un sujet vrai, toujours évidemment ou éminemment sujet. Dans cette deuxième relation spéculaire, ce n’est plus l’individu qui se reconnaît comme sujet dans l’idéologie, mais le Sujet absolu qui se dédouble parmi les hommes, manifestant ainsi tout à la fois son existence et son rapport à eux. Le redoublement spéculaire est à la fois symétrique, dans le redoublement, et centré, sur et à partir du Sujet absolu et en soi.

Que le processus de reconnaissance idéologique repose fondamentalement sur un Sujet par excellence, un Sujet en et pour lui-même, sujet « en soi », provient assez clairement de Feuerbach, du moins de la lecture althussérienne de Feuerbach, et de l’étonnante théorie du rapport (Verhalten)[41], qui vient étayer, renforcer, la thèse centrale de Feuerbach selon laquelle ma conscience de Dieu est la conscience de soi de l’homme[42]. Étendue à l’ensemble de la nature la théorie du rapport produit chez Feuerbach ces affirmations étonnantes selon lesquelles chaque planète a son soleil, et que le soleil d’Uranus est un autre soleil que le soleil de la Terre. Cela se comprend en définissant chaque chose à partir d’un rapport d’appropriation selon lequel chaque chose entretient un rapport privilégié aux choses qui la font exister, jusqu’à être ce rapport même. En ce sens la Terre est son rapport au soleil, et ce rapport n’est pas celui d’Uranus. Si chaque planète devait produire un savoir, c’est-à-dire ici à la fois un savoir des choses et d’elle-même, elle n’aurait une conscience claire et un savoir vrai de ce qu’est le soleil (en soi) qu’à condition que le soleil se rapporte aux planètes comme chaque planète se rapporte à lui : nous retrouverions alors une réflexion symétrique, avec une structure « centrée » sur et par le « soleil en soi ». C’est précisément ce qui a lieu pour l’homme, non pas seulement par l’universalité de sa raison qui le met en rapport avec chaque chose de la nature, mais par son rapport privilégié à Dieu : seul l’homme a une religion[43]. Dieu n’étant que pour l’homme, l’homme aperçoit totalement Dieu, et totalement son être en Dieu. La conscience que l’homme a de Dieu apparaît comme la conscience de soi de l’homme, et prétend être une conscience vraie parce que l’en soi est pour moi : l’homme est objet de Dieu au même titre que Dieu est objet de l’homme.

L’image est donc véritablement image de Dieu parce que Dieu lui-même s’est fait image, et a donc fait de la réflexion absolue, qu’il est en lui-même, une image : « le fondement suprême de l’adoration des images est l’adoration de l’image de Dieu en Dieu »[44]. Nous trouvons chez Feuerbach, avec le redoublement spéculaire, la structure centrée. Le Moi existe comme image, et comme image de lui-même, en rapport à la réflexivité première et immédiate de l’Absolu. Je me connais comme Moi, en sachant que je ne suis pas Dieu mais son reflet, sujet et réflexivité à l’image de Dieu. Or pour refléter une réflexion il faut que le reflet se reflète lui-même[45]. Le Moi naît alors dans cette mise en abîme de l’image. On est encore très proche ici de la conscience de soi fichtéenne : le Moi ayant l’intuition intellectuelle de sa conscience de soi construit le concept du Moi pur ou de l’Absolu, auquel il se sait identique en sa forme, mais en sa forme seulement. Le redoublement spéculaire permet cette relation d’identité et de différence, voire de subordination.

IIC. La fonction sociale des idéologies.

Je termine la présentation de cette genèse idéologique du Moi chez Althusser par la fonction sociale des idéologies. Il faut noter que la genèse du Moi a lieu dans une relation asymétrique de subordination, produite par la structure centrée du redoublement spéculaire. Ici encore, tout comme dans l’éthique kantienne, ou la genèse fichtéenne de la raison pratique, c’est l’identité qui provoque, sinon l’obéissance, du moins l’obligation. Or c’est bien de cela qu’il s’agit en matière d’idéologie : rester à sa place et faire « son » travail. La reconstruction imaginaire de la cohérence d’une situation d’exploitation incohérente – parce que destructrice – n’est pas un jeu logique, mais un besoin vital : elle est mise en place par les individus eux-mêmes qui se représentent leur vie, ne serait-ce que pour trouver la force de rester à leur place, à défaut de pouvoir imaginer en changer et de transformer leur situation. Lorsque la représentation imaginaire de leur situation est entretenue et stabilisée dans les A.I.E., l’idéologie a donc pour effet social de maintenir chacun à sa place et de conserver le statu quo.

L’idéologie participe donc à la reproduction de l’ordre social, et cette fonction la définit : « l’idéologie (comme système de représentation de masse) est indispensable à toute société pour former les hommes, les transformer et les mettre en état de répondre aux exigences de leurs conditions d’existence »[46]. Ce que j’appelais ci-dessus atteler chacun à sa tâche. Les développements précédents nous éclairent sur le lien entre la subjectivité – catégorie centrale de l’idéologie pour Althusser – et le remplissement de cette fonction sociale. Ce lien est celui qui existe déjà chez Kant entre identité et obéissance. L’identité est celle d’un sujet, et d’un sujet déterminé : l’idéologie dit qui doit remplir telle ou telle fonction[47]. L’obéissance consiste à remplir sa fonction, faire son travail. Et c’est en assignant une identité que l’idéologie provoque l’obéissance. Le lien entre identité et obéissance ne détermine pas seulement ce qui est à faire – il ne s’agit pas simplement d’identifier le travail à faire – mais il identifie cet individu-là comme sujet, parce qu’il est celui qui se donne cette tâche. Ainsi l’identité fait obéir parce qu’elle donne l’illusion de l’autonomie ; comme l’écrit Althusser à la fin de son article sur les A.I.E., les sujets « marchent tout seuls »[48], ce qu’ils font en tant que sujets s’attribuant leur identité comme tâche : « je suis ici, patron, ouvrier, soldat »[49].

III. Le dépassement de l’identité.

De son double caractère d’illusoire et d’aliénant, il devrait en résulter que l’idéologie est à dépasser. Malheureusement Althusser – le dernier théoricien de l’idéologie ? – ne cesse d’affirmer que nous n’en sortons pas, et la définition pratique de l’idéologie par sa fonction sociale renforce ce caractère : toute société a besoin d’idéologie, toute société, y compris la société communiste. Althusser thématise, peut-être trop, ce qui lui vaut d’être encore aujourd’hui maltraité, cette persistance de l’idéologie de et dans les sociétés communistes, en développant la figure des A.I.E. politiques et syndicaux[50]. Althusser cherche pourtant à chaque fois, et dès Lire le Capital, à préserver la spécificité de cette idéologie communiste, comme idéologie « fondée sur une science »[51] ou comme « idéologie très particulière : idéologie, puisqu’au niveau des masses elle fonctionne comme toute idéologie (en interpellant les individus en sujets), mais pénétrée d’expériences historiques éclairées par des principes d’analyses scientifiques »[52]. Mais cela n’a pas suffit à tarir la méfiance envers celui qui a attaché quelque aspect illusoire à la société idéale. J’ai tenté, dans deux conférences antérieures[53], d’explorer une autre voie selon laquelle l’idéologie de la libération, ou de la société idéale, pourrait être, à défaut d’une libération de l’idéologie, au moins libération de ce qu’il y a dans l’idéologie de plus aliénant, c’est-à-dire libération d’une identité qui assigne à chacun sa place. Je proposai alors de souligner le caractère indéterminé de l’individu idéal, chasseur berger et critique de l’Idéologie allemande[54], ou individu totalement développé du Capital[55]. J’ai voulu dire que « l’individu totalement développé » n’était pas une nouvelle idée de l’homme, mais la face négative de l’individu morcelé par le travail industriel, comme l’envers du travailleur mutilé. En forgeant cet idéal, on obtient une forme réactive de l’idéologie, efficace tactiquement, et qui évite l’écueil de dépasser l’identité individuelle au profit d’une identité collective. Car il est trop évident que l’on se précipiterait sinon vers toutes les dérives, nationalistes, fascistes ou totalitaires, puisqu’il est convenu d’appeler ainsi les dérives policières du communisme historique. Il s’agissait bien plutôt dans cette voie de dépasser l’identité tout court, individuelle ou collective, pour réduire la part aliénante qui demeure jusqu’aux idéologies soutenant les moments de libération.

Dans ce dépassement de l’identité, nous retrouvons comme conséquence un nouveau parallèle entre Fichte et Althusser, cette fameuse question commune qui se pose à deux philosophies opposées, question que j’annonçais in fine dans mon introduction. Et précisément il s’agit d’aller au-delà même de l’identité nationale dont Fichte s’est voulu le héraut, puisqu’il est question de dépasser le processus qui fonde toute identité. Cela a de quoi surprendre chez Fichte, que l’on comprend comme une philosophie du Moi, philosophie qui fonde bien mon existence individuelle, qu’il s’agisse de mon existence empirique dans la communauté juridico-politique, ou de mon existence intelligible dans l’éthique, lorsque le commandement moral s’adresse à mon individualité raisonnable comme telle, voire la constitue. Toutefois, cette constitution de l’identité individuelle s’effectue, dans l’éthique, à partir d’un monde où l’individualité même est absente. Tout comme il est possible de dire, dans une lecture marxiste partant de la réalité des classes, que l’individu pris isolément est une abstraction, il est possible, dans une lecture fichtéenne posant d’abord l’universel de la raison, de décrire l’individualité raisonnable (spirituelle) comme engendrée à partir d’une raison universelle. Pour Fichte je deviens sujet déterminé de la volonté pure, individu raisonnable (spirituel), à partir d’un déterminable qui est le règne de la raison, par le sentiment du devoir : je suis celui auquel s’adresse la loi morale[56]. Fichte parle alors d’un « arrachement » au règne de la raison. Toutefois il est clair que cet arrachement, parce qu’il s’effectue sur fond d’un règne de la raison, ne peut être pensé que comme second. La primauté, d’où émane la loi, est accordée au règne de la raison, fond commun à tous les être raisonnables, sans distinction d’individualité. La loi morale fichtéenne me commande de retourner à cette indistinction première : je ne suis qu’un moyen de réaliser la raison dans le monde sensible, réalisation qui entraîne la disparition de mon individualité[57]. Ainsi, l’arrachement qui détermine mon identité raisonnable s’effectue sur fond d’une indistinction à laquelle la loi me commande de revenir. En 1812[58] Fichte reprendra cette dialectique de l’arrachement et de l’abandon de soi (sich hingeben), dialectique médiatisée par le devoir. On peut s’arracher du monde sensible ou du monde intelligible, l’arrachement[59] est toujours médiatisé par le devoir, et présuppose un abandon, soit au monde sensible dont il faut se détourner, soit au monde intelligible vers lequel il faut tendre.

Ici Fichte dépasse la philosophie pratique kantienne en cela que ma personnalité n’est pas ce qui fonde le devoir, elle n’est que l’effet d’un commandement. Le commandement détermine une individualité s’autolimitant dans le règne de la raison, individualité qui vit cette loi d’autolimitation comme un devoir. Si cela devait être, non un devoir, mais la loi de sa propre nature, en tant qu’être du monde intelligible et rationnel, l’individualité comme telle s’effacerait devant la loi du monde rationnel. L’individu vit la raison comme un devoir parce qu’il doit s’arracher à un monde – le monde sensible – pour s’abandonner à un autre – le monde intelligible. Cet abandon, qui signifie aussi un dépassement de la personnalité, est fin de la moralité. C’est le sens de la distinction, en 1806, d’une moralité inférieure, proche de la simple légalité, et d’une moralité supérieure. Ce que l'Initiation à la vie bienheureuse de1806 appelle « moralité inférieure » ou « ordinaire »[60], est commun à la première forme de morale et à la législation juridique : l'homme de la légalité reste attaché à un intérêt pour soi-même : « il nous faut nous mépriser si nous ne procédons pas selon la loi, et sommes déchargés de ce mépris de nous-mêmes, si nous nous y conformons ; nous pouvons toutefois préférer nous trouver dans ce dernier cas plutôt que dans le premier »[61]. La moralité supérieure se définit au contraire indépendamment de toute attention portée à sa propre personne : Fichte fait de la personnalité une médiation entre l'existence sensible, attachement à soi que l'on retrouve jusqu'au point de vue de la morale seulement formelle, et d'autre part l'abnégation de soi en la volonté divine, présente dès le point de vue de la moralité supérieure et ouvrant cette dernière vers la religion. Ainsi dans la 8e Conférence de L’initiation à la vie bienheureuse, Fichte appelle à dépasser la personne morale vers une participation plus immédiate à la vie divine : « l’amour de Dieu […] efface purement et simplement l’amour de notre propre personne »[62]. On peut se représenter ce dépassement comme l’abnégation de soi qui accompagne l’engagement effectif, dans des œuvres sociales p.ex.[63]

Prendre au sérieux ce dépassement de la personnalité dans une vie morale-religieuse me conduit à distinguer le contentement de soi-même de l’homme moral d’une part, et la béatitude de celui qui s’oublie dans son acte d’autre part. Le contentement de soi même de l’homme moral relève de la subjectivité, il exprime l’adéquation à soi du sujet qui se regarde lui-même. L’autonomie de l’homme moral se construit à distance d’avec l’Être, elle ne peut constituer l’existence de l’Être qu’en se distinguant de lui, et en devenant le propre reflet de soi-même. Ici se trouve le regard du sujet sur lui-même, observation de soi constitutive de la moralité, pour le Moi de la philosophie comme pour le Sur Moi de la psychanalyse. Par distinction d’avec ce regard du sujet se trouve présupposé un regard absolu[64], celui par lequel se constituera le sujet, lorsque éprouvant une insatisfaction, il formulera une demande. L’abandon au regard absolu est béatitude, mais il n’est pas ou il n’est plus l’œuvre du sujet. En ce sens il n’y a pas de sujet de la jouissance[65], et il faut s’arracher à la subjectivité pour atteindre la béatitude. Je conclus ma troisième partie avec cette rencontre improbable entre Fichte et Lacan, improbable à cause du satut mitigé de la béatitude chez Lacan[66], mais rencontre que l’on peut tout de même tenter par la circonscription commune de la subjectivité, dans l’aliénation du discours pour Lacan, dans le reflet du reflet pour Fichte. Cette rencontre a déjà été explorée par Jean-Christophe Goddard, dans un article de 2006[67], mais je souhaiterai ici m’en éloigner un peu, précisément pour souligner la limitation de la subjectivité, limitation qui conduit à son dépassement chez le philosophe. Il me semble que l’on rapporte plus précisément Fichte et Lacan en laissant le néant du côté du sujet, et non du regard de l’Autre ou de l’Absolu. Ce n’est pas le fait d’être sous le regard absolu qui est néantisant, mais le fait pour le sujet de se constituer comme demande. Ce qui est « létal » ici n’est pas le regard « à partir duquel et dans la dépendance duquel naît à soi le sujet »[68], mais le sujet lui-même qui se constitue comme demande. Je retrouve Lacan ici, attribuant au sujet cette puissance létale parce qu’il n’est que l’expression d’une demande. Ainsi dans son interprétation de l’aphanisis de Jones : « l’aphanisis et à situer d’une façon plus radicale au niveau où le sujet se manifeste dans ce mouvement de disparition que j’ai qualifé de létal. D’une autre façon encore, j’ai appelé ce mouvement le fading du sujet »[69]. Il y a ici un nihilisme fichtéen[70], exaspérant le scepticisme post kantien, qui peut s’interpréter de façon lacanienne précisément parce qu’il fait du sujet une simple image, reflet d’elle-même, dont le bonheur, ne consiste pas, pour le philosophe, à revenir en soi, mais à sortir de soi, à s’arracher à soi pour s’abandonner, dans et par l’amour, à l’Être absolu. C’est ici que l’idéalisme fichtéen rencontre la déconstruction althussérienne et ses conséquences problématiques : on ne peut se libérer qu’en dépassant la subjectivité. Il faut une émancipation radicale : pour libérer le sujet, il faut se libérer du sujet : il faut s’en débarrasser !



[1]. E. Kant, Critique de la raison pure, Dialectique transcendantale, livre deux, chapitre un, « Paralogismes de la raison pure », Ak III 264-265.

[2]. « L’idéologie interpelle les individus en sujet », thèse centrale que nous analyserons ici, et qui constitue l’avant-dernier titre de l’article paru dans La pensée en 1970 : «Idéologie et appareils idéologiques d’État », article réédité avec le manuscrit Sur la reproduction, Paris, P.U.F., Actuel Marx Confrontations, 1995,également in Positions, Paris, éditions sociales, 1976, et in Penser Louis Althusser, Paris, Le temps des cerises, 2006.

[3]. J.G. Fichte, Grundlage des Naturrechts nach Principien der Wissenschaftslehre, 1796/1797 ; . Gesamtausgabe, éditées par R. Lauth & H. Jacob , Gesamtausgabe der Bayerischen Akademie der Wissenschaften, I 3 (« GA ») ; trad. fr. A. Renaut, Fondements du droit naturel selon les principes de la Doctrine de la science Paris, P.U.F., 1984.

[4]. Xavier Léon, La philosophie de Fichte, Paris, F. Alcan, 1902.

[5]. Je rappelle que le deuxième exposé de la Doctrine de la science (Nova methodo, professée de 1796 à 1799) se construit à partir de l’expérience de l’intuition intellectuelle, et non plus, comme en 1794, à partir du concept de Moi pur ou d’Absolu.

[6]. Fondement du droit naturel, première partie, deuxième section, §5, p. 72 de la trad. fr. L’existence réelle de l’être raisonnable est celle d’un individu parce qu’elle est attachée à un corps ; Cf. Fondement du droit naturel, § 4 p. 57 trad. fr. ; sur l’identité de l’existence individuelle et du corps : § 11, p. 129 fr.

[7]. Fondement du droit naturel, première partie, deuxième section, fin du §5, p. 76 de la trad. fr.

[8]. L. Althusser, « nous parlerons d’actes insérés dans des pratiques. Et nous remarquerons que ces pratiques sont réglées par des rituels […] une petite messe dans une petite église, un enterrement, un petit match dans une société sportive, une journée de classe dans une école, une réunion ou un meeting d’un parti politique », « Idéologie et appareil idéologiques d’État », in Positions p. 120, Sur la reproduction 300-301, et in Penser Louis Althusser p. 128.

[9]. Cf. Luc Vincenti, Éducation et liberté, Paris, P.U.F., 1992, p. 95 et p. 102-103. L’appel est défini comme éducation parce qu’il constitue la nature humaine, et l’éducation est alors une relation réciproque et non pas seulement asymétrique. Les contenus du savoir, maîtrisés par l’un, et non par l’autre, comptent moins ici que la faculté d’utiliser les fruits du savoir en toute autonomie. C’est cette dernière faculté qui doit être partagée, par l’un et par l’autre, pour pouvoir être développée dans une relation éducative.

[10]. Jusqu’à la Sittenlehre de 1812, Dieu éduque l’homme à s’éduquer lui-même ; SWIX p. 142.

[11]. J’avais tenté d’orienter l’interprétation dans un autre sens, cf. Éducation et liberté, p. 102. Également, en rapportant cette auto éducation de la communauté à la troisième des Thèses sur Feuerbach : « Du législateur au public éclairé : l’histoire du progrès politique chez Rousseau, Kant et Fichte ». In BOURDIN, J.-C. (dir.) Les Lumières et l’idéalisme allemand : actes du colloque de Poitiers, C.R.H.I.A., L’Harmattan, 2007.

[12]. « L’idéologie interpelle les individus en sujets », « Idéologie et appareil idéologiques d’État », in Positions, p. 122, in Sur la Reproduction, Paris, P.U.F., Actuel Marx Confrontations, 1995 p. 302, et in Penser Louis Althusser,p. 130.

[13]. La Wissenschaftslehre (dorénavant « WL ») 1812 et Ueber das Verhaltnis der Logik zur Philosophie oder tanscendantlae Logik, 1812, Fichtes nachgelassenen Werke Bd 1, Bd 9 dans les Fichtes Werke, éd. I.H. Fichte, Berlin, Walter deGruyter, 1971, pp. 103-400 (dorénavant : Logique transcandantale). Il faut bien sûr souligner que la théorie de l’image n’est pas circonscrite dans la Spätphilosophie, mais se trouve déjà élaborée dans les exposés antérieurs, le lexique de l’image est courant dans la WL 1804, et la thématique se développe, notamment avec la notion d’existence de la WL 1805, et en termes d’image dans la 29e et dernière leçon de la WL 1805. LInitiation à la vie bienheureuse de 1806 présente quant à elle la détermination de l’existence dans les termes où l’image de la Spätphilosophie se connaîtra comme n’étant qu’image : « L’existence de l’être doit être nécessairement une conscience de soi de l’existence elle-même en tant que simple image de l’Être qui est absolu et en soi, et [qu’] elle ne peut rien être d’autre » Anweisung, 3e Conf. p. 143 trad. M. Rouché, éd. F. Medicus, Meiner, 1954 p. 52 : « Dasein des Sein - notwendig ein - Selbstbewußtsein seiner (des Daseins) selbst, als bloßen Bildes, von dem absolut in sich selber seienden Sein, sein – müsse ». Entre ces deux époques de l’œuvre, un rôle médiateur est assuré par les Thatsachen des Bewusstseins.

[14]. « Ein doppeltes Bild », Logique transcandantale, Conf. 5, SW IX 141.

[15]. Ibid, 4e conf., SW IX 134.

[16]. Et plus précisément, suite à la précédente définition du savoir, dans le reflet d’un redoublement spéculaire, dont le savoir philosophique constitue, en le reflétant, l’unité.

[17]. Sur cette équivalence, cf. Alessandro Bertinetto, « Philosophie de l’imagination – Philosophie comme imagination. La Bildlehre de J.G. Fichte » in J.C. Goddard, M. Maesschalck, Fichte, la philosophie de la maturité (1804-1814), Paris, Vrin, 2003, pp. 64-67. Outre les références étudiées par A. Bertinetto, les conférences XII, XIII, et XVIII de la Logique transcendantale s’occupent particulièrement de cette équivalence Moi / image.

[18]. Cf. Luc Vincenti, Pratique et réalité dans les philosophies de Kant et de Fichte, Paris, Kimé, 1997, Ch. III, pp. 56-86.

[19]. « Si le Moi de l'intuition intellectuelle [je comprends dire ici le Moi observé, le concept de Moi pur produit par l'intuition intellectuelle, ce qu’est l’Absolu pour la conscience] est parce qu'il est et est ce qu'il est, il est, dans cette mesure, autoposant, absolument autonome et indépendant. Par contre, le Moi de la conscience empirique [je comprends : celui qui veut prendre conscience de lui-même], en tant qu'intelligence, n'existe qu'en relation à un intelligible[19] : il est, dans cette mesure, dépendant. Or ce Moi, que nous venons de voir entrer en opposition avec lui-même [je comprends : le Moi qui, voulant prendre conscience de lui-même, pose l’autoposition absolue dans un concept], ne doit pas constituer deux Moi(s), mais bien un seul Moi... Comme le Moi ne peut renoncer à son caractère d'autonomie absolue, il en résulte un effort pour faire dépendre de soi l'intelligible, afin d'unifier par là le Moi qui représente cet intelligible et le Moi qui se pose lui-même. Telle est la signification de l'expression : la raison est pratique. » Fichte, Rezension des Aenesidemus oder über die Fundamente der von dem Herrn Professor Reinhold in Jena gelieferten Elementar-Philosophie, 1794 ; Fichtes sämmtliche Werke, (« SW ») Band I, Berlin, De Gruyter, 1971 ; GA I, 2 ; trad. fr. P.P. Druet, Recension de l'Enésidème ou sur les fondements de la philosophie élémentaire enseignée à Iena par Mr le Prof. Reinhold dans Rapport clair comme le jour... et autres textes, Paris, Vrin, 1985, p. 65.

[20]. Cf. la première Sittenlehre, Das System der Sittenlehre nach den Prinzipien der Wissenschaftslehre, 1798 ; trad. fr. P. Naulin, Le système de l'éthique selon les principes de la Doctrine de la science, Paris, P.U.F., 1986 : « en ce qui concerne le contenu de la loi, rien n’est exigé que l’autonomie absolue, que l’absolue indéterminabilité par quoi que ce soit d’extérieur au Moi », § 3 trad. fr. p. 58. Également, ibid. p. 30, « je veux être autonome ».

[21]. P. ex. in Doctrine de la science 1812, in fine, SW X 487-488, GA II 13 176, trad. fr. Isabelle Thomas-Fogiel Paris, P.U.F., Épiméthée, 2005 p. 204/205 : par la loi morale, la conscience de soi individuelle s’aperçoit comme infinie.

[22]. Doctrine de la science 1812, trad. fr. p. 125 (GA II 13 p. 113, SW X p. 405) « il doit y avoir un regard dans lequel l’apparition apparaît en tant que principe absolu d’elle-même ».

[23]. Sur ces rapports entre savoir de soi et normativité, cf. Luc Vincenti, « Normativité et philosophie », Philonsorbonne, Paris, publications de la Sorbonne, 2008-2009 ; [revue en ligne de l’Ecole doctorale de philosophie de Paris-I, url : http://www.univ-paris1.fr/ecoles-doctorales/philosophie/revue-philonsorbonne/], janv. 2009.

[24]. Autonomie qui se trouve au § 8 et non de suite au § 7 de la Critique de la raison pratique. Si l’on devait rechercher les racines du redoublement spéculaire dans la philosophie morale kantienne, il faudrait faire des §§ 5 et 6, problèmes I et II, renvoyant dos à dos la loi et la volonté, les deux parties constituantes du savoir pratique, au même titre qu’intuition et concept sont parties constituantes du savoir théorique. Le § 7 exposerait ce savoir dans la loi morale, et l’autonomie interviendrait comme réflexion de la loi à parti d’un – ou dans un – savoir de soi.

[25]. Après la déconstruction des paralogismes.

[26]. Sur ces rapports entre identité et obéissance chez Kant, cf. Luc Vincenti, E. Kant : philosophie pratique, Paris, Ellipses, 2007, pp. 73-80.

[27]. Cf. Althusser L. Sur la reproduction, Paris, P.U.F., 1995, (Actuel Marx Confrontations) p. 109 : « Un appareil idéologique d’État est un système d’institutions, d’organisations et de pratiques correspondantes, définies. Dans les institutions, organisations et pratiques de ce système est réalisée tout ou partie de l’idéologie de l’État ». Sur ces « pratiques », cf. Positions, p. 121, in Sur la Reproduction, Paris, P.U.F., Actuel Marx Confrontations, 1995 p. 301, et in Penser Louis Althusser,p. 128.

[28]. Cf. la première des « Trois notes sur la théorie des discours », 1966, in Écrits sur la psychanalyse, Paris, Stock / IMEC, 1993, p. 135.

[29]. Sur la reproduction, p. 226.

[30]. Sur la reproduction, p. 227, Positions, p. 127, et in Penser Louis Althusser,p. 134.

[31]. Ici la constitution en sujet, c’est-à-dire toujours le fait de se penser comme libre autonome et responsable, peut être fin ou moyen de la pratique constituante : moyen lorsqu’il s’agit d’atteler l’individu à sa tâche, fin lorsqu’il s’agit de l’y préparer comme c’est le cas pour l’École.

[32]. Première des « Trois notes sur la théorie des discours », p. 138. Ibid et dans le même sens : la police fournit les papiers qu’elle demande.

[33]. « Faut-il jeter l’individu avec le sujet ? (L’individualité chez Althusser)», 2007, en ligne sur le site du séminaire « Marx au XXIe siècle » url : http://semimarx.free.fr/article.php3?id_article=85.

[34]. J. Butler, The psychic life of power. Theories in subjection, Stanford, Stanford university Press, 1997 ; trad. fr. La vie psychique du pouvoir, 2002, éd. Leo Sheer, (coll. Non & Non). Je pense ici au « Chicanos », non pas dans le Ch. IV, « L’assujettissement selon Althusser », mais dans le chapitre précédent.

[35]. Franck Fischbach « Les sujets marchent tout seuls… Althusser et l’interpellation » in J.C. Bourdin, Althusser : une lecture de Marx, Paris, P.U.F., 2008, et in Franck Fischbach Sans objet, Capitalisme, subjectivité, aliénation, Paris, Vrin, 2009.

[36]. Cf. ci-dessus, la fin de la première partie, et L. Vincenti, E. Kant : Philosophie pratique, « identité et obéissance », Paris, Ellipses, 2007.

[37]. S’il fallait établir une continuité, il faudrait donc rapporter Fichte à Feuerbach, ce que font des recherches en cours, cf. Anne Durand, « Feuerbach lecteur de Fichte », in Philonsorbonne, Paris, publications de la Sorbonne, 2008-2009. Toutefois L’essence du christianisme cite plus volontiers Schelling que Fichte, mais il est vrai que lorsque Feuerbach cite Schelling, il cite des passages fichtéens, p.ex. sur la nécessaire différenciation interne de l’Absolu, Essence du christianisme, I, 8, trad. J.P. Osier, Paris, F. Maspero, 1973, p. 218.

[38]. Première, parce qu’il y en a une seconde, qui va redoubler la première.

[39]. Première des « Trois notes sur la théorie des discours », 1966, in Écrits sur la psychanalyse, Paris, Stock / IMEC, 1993, p. 134.

[40]. Rappelons que chez Fichte, lorque je prends conscience de moi-même, j’effectue une réflexion qui est en sa forme identique à celle de l’Absolu, mais je ne suis pas l’Absolu, et de cette contradiction entre deux rapports du Moi à l’Absolu naît l’exigence pratique, cf. supra IC « Le Moi et l’Absolu dans la Conscience commune ».

[41]. Sur la lecture althussérienne de cette théorie du Verhalten, cf. « Sur Feuerbach » (1967) in Écrits philosophiques et politiques II, Paris, Stock / Imec 1995-1997, Librairie générale française 2001 (coll. Le livre de poche), pp. 191, et pp. 204-206.

[42]. Essence du christianisme (1841), Introduction II, trad. fr. L. Althusser in Manifestes Philosophiques, Paris, P.U.F., 1960 p. 71 & J.P. Osier, Paris, F. Maspero, 1973, p. 129.

[43]. Cf. Essence du christianisme, Introduction, début.

[44]. Feuerbach, Essence du christianisme (1841), I, ch. 6, « Le mystère du logos et de l’image divine », trad. fr. J.P. Osier, Paris, F. Maspero, 1973, p. 204. Ibid. p. 202 : parce que le fils est image il ne peut être pensé qu’en image. S’ensuit une pensée du rapport de l’image à elle-même, qui est aussi bien (ou sur le modèle de) une pensée du rapport de Dieu à son image.

[45]. Cf., sur cette thématique d’un reflet du reflet comme savoir de soi : Doctrine de la science 1812, trad. fr. p. 36 (GA II 13 p. 45, SW X p. 320).

[46]. L. Althusser, Pour Marx, Paris, Maspero, rééd. 1968, p. 242.

[47]. « C’est l’idéologie qui assure la fonction de désigner le sujet (en général) qui doit occuper cette fonction, et pour cela elle doit l’interpeller comme sujet, en lui fournissant des raisons-de-sujet (interpellé comme sujet) d’assumer les fonctions définies comme fonctions-de-Träger par la structure » première des « Trois notes sur la théorie des discours », 1966, in Écrits sur la psychanalyse, Paris, Stock / IMEC, 1993, p. 134.

[48]. Positions, p. 134, in Sur la Reproduction, p. 311, et in Penser Louis Althusser,p. 140.

[49]. Positions, p. 130, in Sur la Reproduction, p. 308, et in Penser Louis Althusser,p. 137.

[50]. P.ex. dans Sur la reproduction, ch. VIII, VIII, et la « Note sur les A.I.E. ».

[51]. Lire le Capital, T. I, Paris, Maspero, rééd. 1968, p. 166.

[52]. Sur la reproduction, « Notes sur les A.I.E. » p. 264.

[53]. « Faut-il jeter l’individu avec le sujet ? (L’individualité chez Althusser)», 2007, en ligne sur le site du séminaire « Marx au XXIe siècle » url : http://www.marxau21.fr/ Et « Pouvoir, puissance et subjectivité (Lacan, Althusser, Holloway) », intervention au colloque « La puissance des relations », 10 & 11 mars 2009, organisé à l’Université Paul Valery Montpellier III par S. Ansaldi. A paraître avec les actes du colloque.

[54]. Idéologie allemande, I, Feuerbach (fin), Éditions sociales 1976, p. 32/33.

[55]. Capital I, Ch. XV, section IX, (trad. J. Roy, Paris, GF, 1969 p. 350) : « la grande industrie oblige la société sous peine de mort à remplacer l’individu morcelé, porte douleur d’une fonction productive de détail, par l’individu intégral [das total entwickelte Individuum] qui sache tenir tête aux exigences les plus diversifiées du travail et ne donne, dans des fonctions alternées, qu’un libre essor à la diversité de ses capacités naturelles ou acquises ».

[56]. Doctrine de la science Nova methodo, § 13 (le résumé dicté) et § 18 pt. 3.

[57]. Cf. la première Sittenlehre, § 19 pt. 1.

[58]. Doctrine de la science 1812, Ch. 3, 3e §, 2e partie.

[59]. Il ne s’agit plus du même terme, herausgreifen ou herausgehen en 1798, lossreissen en 1812.

[60]. Anweisung zum seligen Leben, 1806, 7e Conférence ; Fichtes sämmtliche Werke, Band V, Berlin, De Gruyter, 1971, p. 467 ; trad. fr. M. Rouché, Initiation à la vie bienheureuse, Paris, Aubier Montaigne, 1944, pp. 172/173.

[61]. Ibid.7e Conf., SW V 503, trad. fr. p. 213.

[62]. Anweisung 8e Conf., SW V 519, trad. fr. p. 232.

[63]. Cf. Anweisung 9e Conf., SW V 534, trad. fr. p. 249.

[64]. Je reprends une expression de J.C. Goddard, in « Schelling ou Fichte. L’être comme angoisse ou l’Être comme bonheur », in A. Schnell (dir.) Le bonheur, Paris, Vrin, 2006 (coll. Thema) p. 136.

[65]. « Il n’y a pas de sujet de la jouissance sexuelle », J. Lacan Séminaire XVI, Paris, Seuil, 1986, 20e séance, p. 320-321.

[66]. Que l’on compare Séminaire VII, 14e séance, Paris, Seuil, 1986, p. 221, et Séminaire XX, 6e séance, Paris, Seuil, 1975, rééd. coll. Points 1999 p. 97.

[67]. « Schelling ou Fichte. L’être comme angoisse ou l’Être comme bonheur », in A. Schnell (dir.) Le bonheur, Paris, Vrin, 2006 (coll. Thema).

[68]. J.C. Godddard Ibid., p. 136.

[69]. J. Lacan, Séminaire XI, Les quatre concepts, XVIe leçon, pt. 2, Paris, P.U.F., 1973 p. 232.

[70]. Ce qu’avait perçu Jacobi, Lettre A Fichte, GA III 3, et à quoi le pratique ne permet plus d’échapper, si l’on conçoit la fin de la moralité comme dépassement du sujet, de ce même sujet qui constitue le savoir.